OPERA SAVON

Article publié dans la Lettre n° 201


OPERA SAVON de Jean-Daniel Magnin. Mise en scène Sandrine Anglade avec Yves Gasc, Claire Vernet, Véronique Vella, Michel Favory, Laurent Montel, Laurent Natrella, Christian Gonon.
Dans les années 50, un marchand de lessive, un publiciste et un cinéaste s’unirent. Le dernier faisait des feuilletons dont les personnages, en guise de génie, utilisaient la lessive. Le Soap Opera était né. Le concept fit des bulles, embuant et encrassant mondialement le petit écran. L’une des premières victimes fut Marcus. Ce performer dans le vent construisait des machines pleines de sens caché. Par dépit amoureux plus qu’artistique, il se jeta dans un broyeur à ordures. En effet, sa femme, la belle Mildy, avait trahi deux fois en abandonnant le théâtre traditionnel pour créer avec l’infâme Schulman une série mondialement connue, « Ron et Mildy », dont la parenté lointaine avec Le Legs de Marivaux échappe à notre sagacité. « Ron et Mildy » est figé dans son décor stéréotypé, dans ses ressorts dramatiques éculés. Les personnages portent des costumes empesés, ces infroissables icônes au visage lisse comme des masques. Les ans glissent sur la peau blafarde grâce à la crème Chadior. Ils sont intemporels, sans surprise.
Jean-Daniel Magnin a écrit une farce ubuesque en onze tableaux. Le bien disant culturel en prend pour son grade. La visite du musée est un bijou d’observation. Tous les personnages sont dépeints avec vivacité, intelligence. Sous l’humour forcené se dessine une grande finesse d’analyse, de la fille de l’artiste Thésarde à l’indien culturel en passant par le bulgare iconoclaste, Kristov Vrrt, qui déclenche la grande machine culturelle. Opéra Savon fait la grande lessive salvatrice de nos petites cellules grises. Jean-Daniel Magnin fustige la vulgarité ambiante du petit écran et de ses fausses performances. Il ne faudrait pas juger trop sévèrement « Ron et Mildy » dans un pays où le Loft engage sa deuxième édition! Le décor unique est escamotable. Il se transforme comme une féerie Whartholienne, avec des chausse-trapes. Les comédiens sont méconnaissables. On sent leur jubilation à jouer plusieurs personnages outrés, sortis tout droit de leur petit écran, avec des gros plans caricaturaux. Sandrine Anglade avait réussi l’an passé, dans cette même salle, un coup de maître avec La Mère Confidente. Elle transforme haut la main son essai avec une pièce contemporaine, drôle et pertinente, qui fait du bien. Théâtre du Vieux Colombier 6e (01.44.39.87.00) jusqu’au 29 juin 2002. Lien:
www.comedie-francaise.fr


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction