L'OPERA
DE QUAT'SOUS
Article
publié dans la Lettre n° 232
L’OPERA DE QUAT’SOUS de Bertolt Brecht.
Musique Kurt Weill. Mise en scène Christian Schiaretti. Direction
musicale Jean-Claude Magloire avec Vingt-deux comédiens dont Charlie
Nelson, Nada Strancar, Vladimir Yordanoff, Guesch Patti, Jean-Yves
Chatelais, Marie-Sophie Ferdane.
Londres, 1900. Dans les bas-fonds, règne le crime organisé. Peachum,
honorable gredin, prêche la bible et le bon usage de la mendicité.
Ce petit artisan a pris pour devise: « Charité bien ordonnée commence
par Peachum». La fierté de Monsieur et Madame Peachum est Polly,
leur fille unique. Mais, coup du sort, Polly a été séduite par MacHeath-le-surineur.
Ce brigand que son palmarès criminel aurait du conduire cent fois
à la potence, doit son impunité à son ami Tiger Brown, le chef de
la police. Peachum déclare la guerre à MacHeath. Mendiants, prostituées,
voleurs, policiers ne rigolent pas avec la moralité qu’ils bafouent
allègrement... Le chanteur des rues, accompagné à l’orgue de barbarie
nous annonce la note: « Vous allez voir ce soir un opéra pour
mendiants ».
L’Opéra de quat’sous est créé le 31 août 1928 à Berlin. Le succès
est immédiat. Le lendemain, tout Berlin fredonne la complainte de
MacHeath. Bertolt Brecht et Kurt Weill ont modernisé l’Opéra
des gueux de John Gay. Leur association bouleverse le théâtre
et la musique. Kurt Weill a souhaité écrire une musique propre à
être chantée par des comédiens, une musique ancrée dans nos mémoires.
L’Opéra de quat’sous a connu différentes mises en scène depuis
plus de vingt ans en France. Disons-le tout net, nous voyons ici
et de loin la meilleure. Christian Schiaretti a modernisé légèrement
la pièce. Il utilise avec intelligence le vaste plateau, réduisant
les accessoires, gardant certains éléments largement suffisants
à nous mettre dans l’ambiance. Christian Schiaretti a du talent,
entre autres, celui de constituer une distribution brillantissime.
Elle vaut plus que quatre sous. Nada Strancar campe une Madame Peachum
qui balance entre la dame patronnesse et la mère maquerelle, sa
belle voix grave est fascinante. Son époux, campé par Charlie Nelson,
lorgne vers Dickens, excellent maître filou-coquin. Quelle bonne
idée d’avoir confié à Guesch Patti, le rôle de Jenny, le plateau
frémit sous ses pas. MacHaeth est un rôle en or qui va comme un
gant à Vladimir Yordanoff. Il y a du renard en lui, l’oeil enjôleur
reflétant le poignard qu’il tient. On l’aime Vladimir, son charme
nonchalant, ses éclats taciturnes, il nous épate en chantant la
partition difficile de MacHeath, de même que Jean-Yves Chatelain
compose un Tiger patelin et corrompu à souhait. La révélation est
Marie-Sophie Ferdane, sacrée Polly. Les trois heures trente de spectacle
passent si vite, les chansons en allemand sont surtitrées et surtout
l’orchestre dirigé par Jean-Claude Magloire est excellent. Un très
grand spectacle. Théâtre National de la Colline 20e. Lien
:
http://www.colline.fr.
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