NUITS BLANCHES

Article publié dans la Lettre n° 376
du 29 décembre 2014


NUITS BLANCHES, d’après « Sommeil » de Haruki Murakami. Mise en scène Hervé Falloux avec Nathalie Richard.
Tout est en camaïeu de blanc, gris, noir, le salon très sobrement meublé, le globe lumineux, les trois grands panneaux à la Nicolas de Stael. Elle est là, fine, élancée, élégante avec discrétion. Ses gestes et son élocution disent la jeune femme épanouie et sereine, amusée par les attitudes récurrentes chez son dentiste de mari et leur fils écolier. Comment meubler ces jours pleins et vides tout à la fois de femme au foyer, qui raconte au présent ce quotidien objectif, avec un humour léger, sans réelle nostalgie, sans désir poignant ? Puis la délicate porcelaine se fissure, avec les souvenirs passés l’insomnie s’invite et prend ses quartiers durables, accueillie avec étonnement, sans souffrance, sans angoisse. Mère-épouse le jour, lectrice goulue ou noctambule aventureuse la nuit. Elle entame le cheminement initiatique d’elle-même, exacerbé par les réminiscences en clair-obscur dont elle se nourrit avec une sorte d’avidité fébrile, à l’insu de son monde ordinaire et diurne. Les tentures se font ombres chinoises, yeux inquiétants, figures de cauchemars. Elle oscille et se dédouble entre un détachement d’entomologiste et l’hystérie de la catastrophe à venir.
Nathalie Richard est admirable de fragilité et de patience têtue, longiligne dans les gestes et le récit, et elle s’offre à l’asphyxie palpable et inexorable. Et le public s’ébroue, complice et ébahi, au sortir de cet onirisme mortifère. A.D. Théâtre de l’œuvre 9e.


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