NOS FEMMES
Article
publié dans la Lettre n° 359
du
28 octobre 2013
NOS FEMMES de Éric Assous. Mise en
scène Richard Berry avec Daniel Auteuil, Richard Berry, Didier Flamand.
La salle de séjour est spacieuse et claire, agencée avec art de
meubles contemporains de belle facture, bref, la classe. Max (Richard
Berry) est un amphitryon passionné de musique. Les murs sont presque
tous recouverts d’une impressionnante collection de disques vinyles,
méticuleusement classés. « Tu n’aimes que des chanteurs morts »,
déclare Paul (Daniel Auteuil) à son ami de trente ans, d’un ton
un peu trop péremptoire, en considérant les rayonnages. Il est venu
passer une soirée entre hommes : jeu de cartes et pizza. Leur conversation
à bâtons rompus tourne autour de leurs femmes respectives et des
enfants. Paul, marié à Karine depuis des années, vit un bonheur
tranquille entre l’hôpital et son cabinet de rhumatologie. Il s’inquiète
seulement de la réussite de ses enfants. Radiologue, Max, idéaliste
trop exigeant, a une vie plus tourmentée. Il est en passe de rompre
avec Magali, son amie du moment. Il s’énerve de voir Simon (Didier
Flamand) aussi en retard. Sexagénaire portant beau, parti de rien,
celui-ci est aujourd’hui riche de deux salons de coiffure, d’une
superbe villa et d’un bateau. Côté cœur, tout le monde sait qu’il
a épousé Esthelle pour son physique, qu’elle l’a épousé pour son
argent et que leur mariage bat de l’aile depuis un moment. Simon
arrive enfin, le visage décomposé. Après quelques phrases sans suite,
il finit par avouer qu’il vient d’étrangler sa femme. Il l’a laissée
sur le tapis du salon et ne sait comment se sortir de ce cauchemar.
Paul et Max le regardent effarés, puis effondrés, lorsque Simon
leur demande de lui servir d’alibi…
Jusqu’où peut-on aller pour aider un ami ? C’est le dilemme auquel
Max et Paul sont tout à coup confrontés. Que faire en effet ? Le
dénoncer, le laisser se débrouiller seul ou l’aider à échapper à
la justice ? Paul et Max en débattent toute la nuit, s’opposent,
pèsent le pour et le contre, s’engueulent. Leur confrontation devient
un état des lieux de leurs propres vies avec leurs réussites et
leurs échecs avant d’en venir à la décision qui engage l’avenir
de Simon et leur amitié. « Un mensonge qui apaise c’est mieux qu’une
vérité qui détruit », voici une phrase à méditer.
Cette pièce est un coup de maître. D’une construction sans faille,
elle est dotée d’une réflexion très juste sur la vie, sur l’angoisse
de vieillir seul et sur l’amitié. La mise en scène de Richard Berry,
électrique, utilise aux moments opportuns les répliques pour les
changements de scènes. Les trois comédiens sont excellents. Jamais
nous n’aurions imaginé voir Richard Berry aussi virevoltant et Daniel
Auteuil aussi véhément ! L’osmose est parfaite entre les artisans
de ce face à face qui ne faiblit pas jusqu’à la dernière réplique.
Une soirée mémorable à ne pas manquer ! Théâtre de Paris 9e.
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