NONO

Article publié dans la Lettre n° 316

NONO de Sacha Guitry. Mise en scène Michel Fau avec Julie Depardieu, Michel Fau, Xavier Gallais, Brigitte Catillon, Sissi Duparc, Roland Menou, Davy Vetter.
L’argument est aussi léger et pétillant qu’une bulle de champagne. Nono est une jeune femme entretenue que son amant en partance pour l’Écosse confie bien imprudemment à son meilleur ami qui, bien sûr, va profiter de l’aubaine. Elle est tout simplement une « grue », terme peu élégant dont elle se qualifie elle-même, à la fin de cette comédie créée en 1905. D’un seul acte à l’origine, Sacha Guitry en fit trois sur les conseils d’un ami. Il n’a que dix-neuf ans lorsqu’il écrit cette première pièce mais déjà perce un auteur. On observe dans Nono tout ce qui sera son génie : dans le contexte frivole de La Belle Époque, une construction précise, un décor joliment planté entre Paris et la Normandie, des personnages bien cernés. Sous le trait à peine ébauché du valet de chambre, on sent la place que prendra ce personnage dans ses pièces futures et que campera avec plus d’épaisseur, Désiré, le héros de sa comédie éponyme.
Ce qui frappe chez Sacha Guitry, c’est la lucidité du regard qu’il pose sur la société qui l’entoure, décrivant ses défauts avec un humour incisif et une élégante perspicacité.
Nono est une cocotte sans chichi, sans façon, qui prend la vie telle qu’elle s’offre à elle, sans se poser de questions. Pour elle, une journée et la soirée qui la prolonge doivent être une fête. Véritable « fantasme ambulant », insaisissable, elle possède la candeur, l’insouciance, l’irresponsabilité, et l’inconscience qui tournent la tête des hommes mais elle conserve en même temps tout son mystère car ils ne savent pas très bien à qui ils ont affaire: femme fatale ou Lolita inconsciente de son pouvoir ?
Homme de théâtre d’un éclectisme impressionnant, Michel Fau offre une mise en scène très enlevée, suivant à la lettre les péripéties de cette comédie pleine d’esprit. Il les place avec délectation autour de ce personnage central qui est la vivacité même et a trouvé la perle rare pour l’incarner. Ravissante, mutine, directe, émouvante, Julie Depardieu est radieuse sur scène avec son sourire enfantin, sa démarche courte et pressée, jouant de ce naturel confondant qui forge les grandes comédiennes, habillée par les costumes si seyants de l’époque, tout en transparence, qui laissent deviner de très jolies formes. Elle possède la rouerie d’une Yvonne Printemps et la fausse candeur d’une Brigitte Bardot. Elle séduit et captive sans pour autant faire oublier les autres comédiens, Brigitte Catillon en particulier, qui l’entourent avec efficacité. Théâtre de la Madeleine 8e.

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