NOIRE !

Article publié dans la Lettre n° 385
du 21 septembre 2015


NOIRE ! Texte et mise en scène Christian Hahn avec Nadine Zadi.
Elles sont là, témoins autour du miroir, ces perruques ethniques qui cachent ou révèlent, objets de provocation ou de frustration enfouie. Elles écoutent Poppy, rieuse et protéiforme, qui se coule dans les avatars intimes, politiques ou historiques du long fleuve noir.
Elle est là et ne l’entend plus, la mère murée dans le silence déraciné d’une tradition qu’elle porte sur ses épaules. Tradition d’Afrique, de négritude involontaire ou magnifiée, d’un passé encombrant et si vivifiant. Tissage de couleurs et de peaux, caramel, cannelle, café au lait, de la sœur la plus noire au frère le plus clair. Faire noir, être noir ? Noires et blanches comme les mains alternativement tournées, blanche à l’intérieur comme cette Noire de souche, Française de bouche qui, face à une cliente empêtrée dans son propre piège de condescendance larvée, observe avec un intérêt amusé les mœurs des passants indigènes.
A ce monologue dialogué, Nadine Zadi convoque les figures de l’Histoire, la grande, celle des politiques et des célébrités, et celle plus quotidienne des amitiés et des rencontres.
Mots et caresses de soie, rires et pleurs de soi. Elle enfile, dans un rythme jubilatoire, les perruques ambiguës de sa clientèle, les gestes de l’enfance naïve, les résistances têtues de Rosa Park ou de Martin Luther King, le talent douloureux de Michael Jackson ou militant d’Angela Davis. Elle boxe avec Mohammed Ali devant Mobutu, s’interroge sur Barack ou Michelle Obama, déguste les bananes de Joséphine Baker, zézaie en parodiant Autant en emporte le vent. Tout en s’effeuillant de ses robes en camaïeu de l’infini nuancier de la peau, elle dit, avec le lyrisme de la simplicité, les accents de Senghor ou de Césaire. Avant de se lover en dansant dans la posture des origines universelles. Formidable hymne de tendresse rieuse, et surtout d’amour féminin à l’Eve primordiale.
On est sous le charme, enchanté. A.D. Manufacture des Abbesses 18e.


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