NEKRASSOV
Article
publié dans la Lettre n° 273
NEKRASSOV de Jean-Paul Sartre. Mise
en scène Jean-Paul Tribout assisté de Xavier Simonin avec Catherine
Chevallier, Henri Courseaux, Emmanuel Dechartre, Jacques Fontanel,
Marie-Christine Letort, Laurent Richard, Xavier Simonin, Jean-Paul
Tribout, Eric Verdin.
A Paris, dans les années 50 et en pleine guerre froide, Georges
de Valéra, Arsène Lupin de l’escroquerie, traqué par l’inspecteur
Gobelet et ses hommes, vient une fois de plus leur échapper. L’inspecteur
ne se fait pas d’illusion. « L'escroc du siècle » a à son actif
102 escroqueries et pas une arrestation, il lui sera donc très difficile
de le coincer. Pendant ce temps, Jules Palotin, le « Napoléon de
la presse objective » et rédacteur en chef du journal Soir à
Paris, cherche désespérément un titre accrocheur pour la première,
pressé par le conseil d’administration dont Mouton, le président,
reçoit les ordres directement du ministère. C’est ce moment plutôt
malheureux que choisit René Sibilot, un vieux journaliste conservateur,
spécialisé dans la cinquième page du journal consacrée à la critique
du communisme, pour demander une augmentation. La maladie de sa
femme lui coûte cher et il vit avec sa fille Véronique qui travaille
dans un journal progressiste. La campagne pour les législatives
fait rage et Soir à Paris dont « les opinions sont gouvernementales
et ne changent pas tant que le gouvernement reste », doit faire
de son mieux pour éviter que le candidat Perdrière remporte les
primaires. On se demande d’ailleurs bien pourquoi Perdrière est
germanophobe: durant la guerre, les allemands ne lui ont confisqué
que ses biens et il n’a été envoyé que dix-huit mois en déportation
dont il est d’ailleurs revenu, de quoi se plaint-il, vraiment ?!
Le lendemain, l’A.F.P et Reuter font tomber une information de choix:
Nekrassov, le ministre de l’intérieur soviétique, aurait choisi
la liberté! Palotin rappelle Sibilot et le somme de trouver dans
les heures à venir, sous peine d’être renvoyé, une idée de génie
anticommuniste. René Sibilot se retrouve donc avec dans les mains
son avenir professionnel, la bonne marche du journal et une équation
explosive: Perdrière, Nekrassov et Valéra. Ce dernier, aux abois,
se réfugie chez lui. Il est accueilli par Véronique … Le lendemain
Sibilot arrive au journal avec Valéra qui, se faisant passer pour
Nekrassov, est embauché par Palotin. Il va tenter se tirer son épingle
du jeu au milieu de tout ce petit monde où magouilles et intérêts
priment…
Jean-Paul Sartre a écrit en 1955 cette comédie épique et désopilante
où il égratigne avec férocité le monde politique et celui des médias.
Violente critique des thèses anticommunistes de la presse française,
elle a pour cible la presse à sensation de l’époque et plus particulièrement
celle de Pierre Lazareff, directeur de France Soir. Le propos, l’écriture
et le style semblent d’autant plus brillants que l’on peine à trouver
semblable qualité aujourd’hui.
Rythme et efficacité sont les deux mots qui viennent à l’esprit
pour décrire le travail de mise en scène de Jean-Paul Tribout et
de Xavier Simonin qui exploitent à merveille les ressorts de cette
oeuvre jubilatoire. La scénographie est remarquable. Un fond sonore,
par le truchement d'une radio, retransmet de temps à autre les actualités
ou les publicités d'alors, replaçant ainsi l’action dans son contexte
et les décors, bien dans le ton, dont les changements sont rapides
et ingénieux, ne laissent la place à aucun temps mort. Les comédiens
dont Jean-Paul Tribaut et Xavier Simonin, assument, pour certains,
plusieurs rôles. Pris par le rythme de la mise en scène et investis
par la consistance de leur(s) personnage(s), ils offrent au public
enthousiaste une excellente soirée. Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
14e.
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