LES MYSTÈRES DE PARIS

Article publié dans la Lettre n° 355
du 27 mai 2013


LES MYSTÈRES DE PARIS d’Eugène Sue. Adaptation Charlotte Escamez. Mise en scène William Mesguich avec Jacques Courtès, Zazie Delem, Romain Francisco, Marie Frémont, Sterenn Guirriec, Julie Laufenbuchler, William Mesguich.
Qui donc est cet homme curieux qui hante les lieux mal famés de la capitale ? Quoi qu’il laisse imaginer de sa vraie nature, il détone quelque peu dans le décor que le prologue a planté. Dans ces lieux de mystères, d’angoisse, de violence et de crimes, où évoluent la Goualeuse, le Chourineur, les fausses vierges et les vraies grisettes, virevolte une ronde de meurtres, de filles violées, de malfrats prêts à la repentance et de brigands endurcis. Affreux, sales et méchants, nul n’y trouve grâce, maquerelles et ogresses s’acoquinent sans vergogne aux pires rebuts d’une société de la déshérence morale. Et on aurait tort de croire que seuls les bas-fonds des mauvais quartiers regorgent de cette misère. Le notaire véreux, cupide et libidineux, côtoiera la comtesse aux intentions douteuses, pour leur châtiment respectif. Mais, à tout récit romanesque, il faut la surprise renouvelée d’épisodes à rebondissements, qui s’organisent autour d’un fil rouge. Rouge du sang des victimes, de la honte des filles bafouées, de la haine vengeresse des gibiers de potence. Au-dessus et en-dehors de cette mêlée de l’horreur pitoyable, il y a cet étrange étranger, protéiforme, tant bienfaiteur que pisteur opiniâtre, telle une araignée qui attirera dans sa toile, pour leur rédemption, les victimes à sauver et, vers leur anéantissement, les méchants à punir.
De ce flot tumultueux que charriait le roman d’Eugène Sue au 19e siècle, l’adaptation a saisi avec pertinence l’esprit, en en déroulant l’inénarrable détail par la voix des Monsieur Loyal successifs, qui tissent la trame et mènent le spectateur dans le dédale de ces intrigues enchâssées. Nul happy end, évidemment, ne viendra amender le péché, mais une voix off apportera quelque baume final.
La scène est vaste et dégagée, dans une semi-pénombre trouée de halos lumineux et d’étoiles d’artifices, et les sept acteurs y campent avec vivacité et efficacité, et surtout humour, cette noria de l’horreur, de la saleté et de la pureté, de la douleur et du deuil, de la mort et de la rédemption. On retrouve avec bonheur la joie de lecture des grands romans touffus qui comblaient les après-midi pluvieux d’antan. Avec la nostalgie souriante de cette attente, impatiente et fébrile, des dénouements épuisés. Cartoucherie-Théâtre de la Tempête 12e. A.D.


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