MUSIC HALL
Article
publié dans la Lettre n° 382
du
4 mai 2015
MUSIC HALL de Jean-Luc Lagarce. Mise
en scène Véronique Ros de la Grange avec Jacques Michel.
L’espace ruisselle de paillettes. Au centre, un tabouret haut perché.
Une « femme » l’investit de ses jambes fuselées qu’elle développe
avec grâce et lenteur. Dardant sur l’obscurité qui la menace la glace
souriante de son regard et un sourire mutin dont elle sait le pouvoir,
la « Fille » entame une dérive dans les méandres d’un récit où le
pointillisme et la précision ressassée des mots l’emportent sur la
clarté du propos. Que raconte-t-elle ? Difficile à dire. Dans cet
écheveau tissé de souvenirs récurrents, désabusés et doux-amers, et
scandé de la même chanson en boucle, on devine le parcours d’une misère
croissante, le music hall des banlieues grises, les goguenards incultes,
la valse-hésitation des partenaires improbables, l’inexorable solitude.
Et la désinvolture cultivée et le panache brandi, parce qu’il
faut bien jouer pour faire semblant de vivre. Derrière cette
armure factice, le vide est terrifiant et lucide, le sourire s’accroche
aux lèvres envers et contre tous les assauts du désespoir. Et le tabouret
est là, môle inexpugnable de cet instinct de survie, phare qui n’éclaire
désormais que sa propre déshérence.
Jacques Michel incarne la diva vieillie, avec une élégance bouleversante.
Il-Elle sait ne pas pouvoir échapper à la mélancolie du naufrage et
au silence qui guette, jusqu’à l’amuissement même des pronoms, jusqu’à
une syntaxe qui s’épure, jusqu’au vertige, jusqu’à l’asphyxie du dernier
geste. Mais flamboyant. A.D. Manufacture des Abbesses 18e.
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