LES
MUSES ORPHELINES
Article
publié dans la Lettre n° 235
LES MUSES ORPHELINES de Michel-Marc
Bouchard. Mise en scène Didier Brengarth avec Emmanuelle Bougerol,
Stéphanie Colonna, Magaly Godenaire, David Macquart.
En 1965, au Lac Saint-Jean, trois soeurs et leur frère se retrouvent
après une séparation de plusieurs années. Suite au décès de leur
père à la guerre, leur mère les a abandonnés pour suivre, dans son
pays, un bel espagnol dont elle est tombée amoureuse. Vingt ans
ont passé, mais chez chacun des enfants, cette désertion a laissé
des cicatrices indélébiles bien que différentes. Catherine, l’aînée
s’est sacrifiée, aidant financièrement son frère Luc, aussi incapable
de surmonter l’abandon, que d’écrire le livre de sa vie. Elle a
aussi élevé Isabelle, la cadette, légèrement attardée. Seule Martine
a géographiquement tiré un trait sur son enfance en s’enrôlant dans
les forces canadiennes, basées en Allemagne. L’annonce du décès
de Luc est la raison de sa visite éclaire; frère qui, à sa grande
surprise, est en parfaite santé! Ce canular, c’est Isabelle qui
l’a inventé. Agée de vingt-cinq ans, mais de l'âge mental d’une
enfant, elle est fascinée par les mots. Elle les note sur un carnet
et tente chaque jour d’en réemployer certains lorsque le contexte
le lui permet. Etrange jeune fille, satisfaite de cette réunion
de famille qu’elle a voulue. Pour quelle raison? Ses frère et soeurs
la sauront assez tôt. Dans la petite maison familiale les discutions,
les disputes mais aussi des souvenirs que l’on aimerait chasser
surgissent. L’ombre de la mère plane, on attend son retour, mais
reviendra-t-elle?
Michel-Marc Bouchard, de nationalité québécoise, a écrit Les
Muses Orphelines en 1988. Cette pièce est considérée à juste
titre comme l’une des plus importantes du théâtre québécois. Il
en a situé l’action au Lac Saint-Jean, lieu de sa naissance. Il
sait en restituer l’ambiance, l’état d’esprit des années soixante
de la population de la petite bourgade, qui juge le comportement
d’une mère indigne. Didier Brengarth a judicieusement choisi de
conserver, sans l’accent, la langue québécoise à la sonorité et
à la syntaxe si particulières. Cet excellent parti permet de garder
à la pièce tout le sel du jeu des mots ainsi que son authenticité,
accrue par le choix du décor très simple d’un intérieur rustique.
Sa mise en scène, nerveuse et sans temps morts, permet aux comédiens
de donner le meilleur d’eux-mêmes. Le jeu solide de Magaly Godenaire
(Catherine) affronte celui plus déluré de David Macquart qui tire
avec talent son épingle du jeu dans le rôle ardu d’un Luc aussi
imprévisible que fragile. Stéphanie Colonna endosse avec justesse
le rôle très « carré » de Martine. Tous sont excellents. La palme
revient pourtant à Emmanuelle Bougerol, hallucinante Isabelle, qui
fait évoluer avec un art consmmé un personnage complexe, à mesure
que se déroule l’intrigue. Elle est fantastique et n’est pas étrangère
à l’émotion qui s’empare du public, aussi médusé par l’histoire
de cette famille modeste que par l’extraordinaire prestation des
interprètes. Théâtre Tristan Bernard 8e (01.45.22.08.40).
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