MOULINS À PAROLES. Texte d’Alan Bennett. Mise en scène Diane de La Croix avec Roxane Turmel.
Elles sont trois, trois figures de femmes entre naïveté et désillusion, dans une lucidité où le cynisme qui pointe parfois ne l’emporte pas sur l’innocence invétérée de la victime. Leslie est une ravissante gourde pleine d’enthousiasme pour la création cinématographique, au prix d’une nudité bien réelle et imprévue. Rosemary, qui n’a même pas la main verte, découvre en sa voisine meurtrière les doigts d’une fée jardinière et une raison d’échapper, par la tendresse féminine, à la routine d’une existence sucrée et sans horizon. Au prix d’une douloureuse lucidité sur la perversité des maris. Certes, Suzanne a un sérieux penchant pour la dive bouteille, mais que c’est bon d’expérimenter le Kamasutra dans les lentilles…quand on n’a décidément pas épousé Jésus et encore moins les compositions florales des dames patronnesses.
Leurs hommes, en contrepoint, sont pétris de jouissance malsaine à peine masquée pour leur chair fraîche et sans malice. Réalisateur de cinéma porno, mafieux, pasteur charismatique ou épicier immigré, ils voilent leurs appétits derrière l’art, la dévotion ou la sollicitude. Mais, une fois satisfait leur désir, ils s’escamotent sans vergogne.
Elles ne seraient que désopilantes et désarmantes de crédulité, si ne se dessinait en filigrane un optimisme de la vie au-delà des avanies conjugales, têtu et rafraîchissant, qui leur maintient la tête haute.
Roxane Turmel évolue avec bonheur et drôlerie, et joyeuse diversité, dans un décor minimaliste en clair-obscur, où les corps se dévoilent dans la pudeur et la sincérité de ces femmes sans voiles.
Un délicieux moment, bien plus profond que sa légèreté amusée. A.D. Ciné XIII 18e.