MOTOBECANE
Article
publié dans la Lettre n° 293
MOTOBÉCANE de et avec Bernard Crombey
d’après le Ravisseur de Paul Savatier avec la complicité de Maurice
Bénichou.
Victor est un as sur sa motobécane. Il ramasse les bouteilles vides
et les revend. Mais avant, il retire les étiquettes. Tous ces châteaux,
ça le fait rêver. C’est plus simple et plus confortable que de voyager
sur sa motobécane. La ferme, elle, est à lui. Mais c’est un bon
gars, il a laissé le rez-de-chaussée à sa mère et au nouveau mari
de celle-ci. Lui, a gardé le grenier. Un jour, il croise la route
d’une jolie petite fille, Amandine. Elle est malheureuse, sa mère
la bat. Alors, elle suit Victor. Elle va vivre plusieurs mois dans
le grenier, elle est heureuse avec Victor, car elle est un peu comme
lui, différente, jusqu’au jour où… Victor ne comprend pas et le
dit: « le juge n’a pas core voulu em croire » « el grande injustice,
vu qu’ej n’ai rien fait ed mal ». Il est en prison. Alors il écrit
sa vie et même que les gardiens sont rudement étonnés qu’il puisse
écrire sans fautes, « sans manquer un s ». Il faut qu’il écrive
sa vérité parce que « a rien à causer avec des gens instruits, i
trouvent toujours des mots pour vous faire dire le contraire ed
votre vérité». Non, non! Spectacles Sélection n’a pas de
problème informatique. Vous lisez bien du picard allégé. Bernard
Crombey est né à Lille. Il a vécu à Creil dans un univers entre
la campagne et les grands ensembles. Il avait envie de jouer un
texte à accent. Il a choisi un picard allégé pour qu’il soit compréhensible.
Le spectacle créé en 2005 ne surfe sur aucune vague de mode. Il
est bon de le préciser. Bernard Crombey s’est inspiré du roman de
Paul Savatier racontant l’histoire d’un homme qui a gardé enfermée
chez lui plusieurs mois une petite fille. Victor est profondément
honnête, il a un cœur simple. Auprès des gens cultivés, il est desservi
par sa langue patoisante. Les mots se bousculent parfois dans sa
bouche et son esprit. Mais dans ce torrent rocailleux, il y a des
jaillissements poétiques, des tournures touchantes. Le décor, épatant
de simplicité, évoque l’univers de Victor avec la force d’une humanité
bafouée. Bernard Crombey est hallucinant en Victor. On a peine à
le reconnaître. Sans maquillage, sans effet, il s’est « transmuté »
en Victor, l’as de la motobécane. Théâtre du Rond-Point 8e.
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