MOI
AUSSI, JE SUIS CATHERINE DENEUVE
Article
publié dans la Lettre n° 257
MOI AUSSI, JE SUIS CATHERINE DENEUVE
de Pierre Notte. Mise en scène Jean-Claude Cotillard avec Zazie
Delem, Juliette Coulon, Charlotte Laemmel, Romain Apelbaum.
La cuisine, lieu de passage et de discussions privilégié du foyer,
est devenu le centre de cette famille en pleine crise. La mère,
autrefois chanteuse, se souvient avec amertume du temps où elle
était belle, chanteuse populaire caressée par la gloire. Le père
est parti abriter sa vie sous un ciel plus clément, il ne reviendra
pas. Le fils aîné est à Bordeaux mais son absence ne change rien.
Lorsqu’il est là, il ne dit rien si ce n’est corriger les fautes
de français de sa mère. Pour les deux filles, le problème est plus
épineux : Geneviève a décidé de se prendre pour Catherine Deneuve
et la mère n’aura d’autre ressource que de s’adresser à elle en
l’appelant Catherine, si elle souhaite capter son attention. Marie,
la plus jeune, passe ses journées dans la cave à chanter, diva solitaire
dans « son petit cabaret », quand elle ne se coupe pas les
bras au rasoir, rien que pour observer le sillon d’où le sang s’échappe.
La mère ne comprend plus ses filles, Geneviève ne supporte plus
sa mère, Marie est dans son propre monde et le fils est absent ....
La plupart des familles ont un grain de folie. D’autres, plus normales,
ont leur canard boiteux qu’elles observent avec autant de stupeur
que d’impuissance. Mais cette famille-là cumule. La folie douce
devient délire.
Pierre Notte écrit pour le théâtre depuis une quinzaine d’années.
Il est aussi l’auteur de recueils de poésies, de photos, de romans
et son activité de journaliste vient parfaire ce parcours éclectique.
Les scènes de la vie de famille restent la cible privilégiée de
nombreux auteurs mais Pierre Notte a une façon aussi personnelle
qu’originale de traiter le sujet. Il qualifie lui-même sa pièce
de « véritable farce méchante », on ne peut mieux dire. Le
désespoir qui s’empare de ses personnages aurait pu faire une tragédie,
il se tourne résolument vers la comédie noire, où les dialogues,
d’une délirante férocité, sont contrebalancés par des chansons douces,
dont il a lui-même composé la musique. Jean-Claude Cotillard, dans
sa mise en scène, exploite à fond la curieuse transition entre la
violence des dialogues et l’émotion émanant de ces chansons qui
viennent s’insérer comme un baume. Il est secondé par un décor judicieusement
agencé, changé à vue par les comédiens, où la table de cuisine joue
un rôle d’une déconcertante drôlerie, tout comme les accessoires
que brandissent quatre comédiens époustouflants, Zazie Delem, en
tête, mère absolument hallucinante. Ce n’est pas tant le sujet mais
la désopilante originalité avec laquelle il est traité, que ses
paires ont sans doute voulu récompenser en lui décernant le Molière
du meilleur spectacle privé. Théâtre Pépinière-Opéra 2e.
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