LE
MISANTHROPE
Article
publié dans la Lettre n° 181
LE MISANTHROPE de Molière. Mise en
scène Jean-Pierre Miquel avec Alberte Aveline, Michel Favory, Denis
Podalydès, Laurent d’Olce, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella,
Christian Gonon, Guillaume Gallienne, Katia Lewkowicz, Alain Lahaye.
A une époque où une jeune fille ne se trouvait débarrassée de l’autorité
paternelle que pour s’engager dans celle d’un mari, sans droits
ni indépendance, l’état de veuve était plutôt enviable. Devenue
maîtresse d’elle-même et de ses actes, elle entendait goûter à cette
liberté toute neuve avec pour seul péril le jugement acerbe des
amies bien pensantes. Célimène, jeune, belle et riche veuve, entend
elle aussi profiter de cet état. Coquette, elle se laisse courtiser
sans pour autant donner son coeur. De nombreux prétendants l’entourent
mais son inclination ne penche vers aucun, même si Alceste ne lui
est pas indifférent. Mais celui-ci souffre d’un caractère ombrageux.
Il aspire à l’amour total et exclusif, à l’amitié sincère sans aucune
compromission qui exclut futilité, hypocrisie, esprit critique et
jalousie, autant dire une soif de perfection pas très en accord
avec son époque. Célimène, féministe avant l’heure, et Alceste,
misanthrope trop intransigeant dans ses aspirations vers son idéal,
pourront-ils se construire une vie dans cette société superficielle
mais dangereuse (le personnage d’Oronte illustre très bien ce qualificatif),
qui évolue à la cour de Louis XIV, si souvent et si bien décrite
par Molière?
Le Misanthrope est avant tout une comédie où de nombreuses
situations doivent par leur ton comique contrebalancer le côté satirique
du propos. Jean-Pierre Miquel entreprend de mettre en valeur le
côté dramatique et critique de l’oeuvre et en gomme la légèreté.
Si ce parti pris peut rebuter les inconditionnels des comédies de
Molière, cette vision donne une approche nouvelle et originale de
l’oeuvre. L’austérité de la mise en scène renvoie à celle des décors.
Plus que dépouillés, ils ne permettent aucune faiblesse au jeu des
comédiens qui se retrouvent en première ligne pour mettre en valeur
le texte un peu trop franc et périlleux pour être dit à l’époque
de Molière autrement que par le rire. Les comédiens du Français
contournent cette difficulté de façon remarquable. Des costumes
d’époque Louis XIV qui prêtent souvent à rire, auraient contredit
la rigueur ambiante. Le choix d’un mélange Régence et contemporain
permet d’exprimer la simplicité et la sobriété désirées, à l’exception
de ceux d’Arsinoë qui mettent en valeur le caractère amazonien et
intrigant du personnage. Le modernisme résolument contemporain au
dernier acte, met l’accent sur le luxe et le raffinement dans lesquels
évoluait Célimène, coquette mais grande bourgeoise cultivée si l'on
considère l'impressionnante bibliothèque au premier acte. Saluons
au passage les superbes robes du soir de Christian Lacroix ainsi
que le manteau d’Arsinoë de Lolita Lempicka.Théâtre du Vieux
Colombier 6e (01.44.39.87.00).
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