MER

Article publié dans la Lettre n° 327
du 23 mai 2011

MER de Tino Caspanello. Mise en scène Jean-Louis Benoit avec Léa Drucker, Gilles Cohen.
A plat ventre sur l’extrémité d’une planche qui avance sur la mer, les bras dans l’eau comme s’il voulait l’embrasser, un pêcheur est sensé taquiner le poisson et tarde à rentrer chez lui. Sa compagne survient et le presse de questions. Elle l’ennuie. Il voudrait être seul pour profiter un moment du silence du soir qui tombe, du ciel dont les étoiles apparaissent peu à peu, de la nappe sombre à ses pieds qui clapote doucement. Le poisson ne mord pas mais qu’importe. Il ne remonte à la surface que lorsque la lune est pleine et elle ne l’est pas. Sa femme repart puis revient, l’agace comme une mouche qu’il chasse avec obstination. « Tu rentres ? - Non, je reste encore - Je remonte alors ? - oui ». Elle s’en va mais revient. Il reste puis finit par lui laisser la place pour revenir lui aussi. Ensemble alors, dans le silence du soir seulement interrompu par un avion qui passe très haut dans le ciel, le moteur d’une voiture sur la route ou les aboiements d’un chien au loin, leurs mains se rejoignent, toutes deux caressées par les vagues.
Saluons le jeu des deux comédiens qui s’approprient diablement bien un dialogue dont les répliques brèves et banales sont celles proférées chaque jour. Ces questions et les réponses qu’elles suscitent, accompagnent la routine qui s’installe immanquablement chez un couple. Elles meublent le silence et remplacent d’autres phrases bien plus importantes, qu’ils devraient exprimer plus souvent lorsqu’ils s’aiment mais qu’ils taisent par pudeur ou parce qu’ils les croient devenues inutiles puisque l’autre les sait déjà.
Saluons aussi le fort beau décor, si simple, ainsi que le travail très précis de Jean-Louis Benoit. Ils nous offrent un bien joli moment et nous permettent de découvrir un auteur grâce à cette courte pièce. Courte, c’est bien le mot. Trois-quarts d’heure à peine, c’est vraiment peu surtout lorsque le regard se pose en partant sur le tarif des places. Théâtre de l’Atelier 18e.

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