MATIN ET SOIR

Article publié dans la Lettre n° 371
du 22 septembre 2014


MATIN ET SOIR de Jon Fosse. Mise en scène Jacques Lassalle avec Julien Bal, Cécile Bouillot, Grétel Delattre, Rodolfo De Souza, Jean-Claude Frissung, Agnès Galan.
Mourir, c’est se déshabituer. De la saveur des goûts coutumiers, de la présence des mots, de leur sens quotidien. Mourir, c’est accepter de ne plus poser de questions, même à l’ami le plus cher venu accompagner la dernière traversée. Johannes est né dans les cris en voyelles de sa mère, le sourire vigilant de la sage-femme, l’enthousiasme de son père. Il se lève maintenant en son matin octogénaire, dans la simplicité de sa solitude veuve. Mais pourquoi tout est-il devenu sans saveur, et si léger ? Alors, sur fond de fjord entre ciel et eau, il inaugure la marche nostalgique vers la crique du Couchant. A petits pas, à souvenirs émus et souriants, avec Peter son fidèle ami. Nasses de crabes, jolies filles, des cheveux trop longs à couper, Erna la compagne de toute une vie, Signe l’enfant préférée. Johannes et Peter déroulent le fil d’un parcours simple de modestes pêcheurs, des vies si émouvantes dans leur évidence. Et on se laisse dériver sans heurt dans le canot de cet entre-deux, dont on pressent qu’il n’est plus tout à fait la vie, mais pas encore le rien. Et, jusqu’au tertre final, on regarde la vie qui s’amuit avec la naïveté touchante du vieil enfant. C’est beau, lent et calme comme les eaux du fjord. A.D. Théâtre de La Tempête-Cartoucherie de Vincennes 12e.


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