MARILYN MONROE / ENTRETIENS

Article publié dans la Lettre n° 344
du 8 octobre 2012


MARILYN MONROE / ENTRETIENS. D’après un texte de Michel Schneider. Adaptation, mise en scène et jeu Stéphanie Marc.
Une table dans le halo d’une lampe à éclipses. Elle est là, presque recroquevillée sur la confidence ininterrompue, avec un petit sourire, à peine pervers, d’excuse permanente. Quelques gratouillis du doigt sur cette table aussi nue que la jambe qu’elle laisse déborder d’un manteau sans couleur. La perruque noire détone avec l’imaginaire de naïveté provocante et de désir exacerbé qu’on s’est forgé de l’universelle pin-up blonde. Mais elle ne se veut ni icône ni victime. D’où la douce cruauté qui s’en dégage.
Elle va parler, à qui ? À son psy ? À elle-même, comme une confession ? À ce miroir des frustrations qu’est le public, qui se décille à chacune des plongées qu’elle scande, dans l’élégance fragile et mutine du non-espoir ? La mort est omniprésente, non comme une délivrance, mais comme une évidence inscrite au cœur, au corps pourrait-on dire, de sa sexualité addictive.
Sans intonation, dans un bégaiement maîtrisé, elle évoque son corps, le désir brutal et indifférent de tous les hommes qui ont possédé cette transparence, sa mère aux cheveux rouges quasi diaboliques, pour qui elle ne parvient pas à prononcer le mot « mère ». L’œil de la caméra l’a fouaillée d’un regard violeur et anonyme, le cinéma l’a prise, en innombrables prises souvent exaspérées, sans pour autant lui redonner une épaisseur autre que charnelle. Elle donne à voir sa traversée en clair-obscur d’une existence sans joie, en fausses amours, en quête désespérée d’une identité d’innocence. Sans dissonance non plus dans la contradiction assumée. Contempler longuement ses propres portraits suffirait-il à prouver son existence ? Est-ce la vraie folie que de chercher à trouver ce que l’on est et prétendre être reconnu comme tel, au-delà de l’image publique, dans le mot intime ?
Stéphanie Marc est incroyablement dense et émouvante, justement par ce choix de non-passion apparente, si présente dans cette autopsie clinique d’une absence. Pour une fois, Marilyn n’est pas en retard, parce qu’aujourd’hui, elle n’a pas besoin de ce recours pour se savoir irremplaçable…
Epitaphe : Marilyn Monroe. 94-56-89Théâtre du Lucernaire 6e. A.D.


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