LE MARIAGE DE M. WEISSMANN

Article publié dans la Lettre n° 373
du 27 octobre 2014

LE MARIAGE DE M. WEISSMANN d’après le roman de Karine Tuil. Adaptation et mise en scène Salomé Lelouch avec Jacques Bourgaux, Mikaël Chirinian, Bertrand Combe.
Ils sont trois, ou plutôt Saül est la proie de ses deux génies. Ou démons ? Soixante-dix années de tranquille judéité de l’avocat Weissmann volent en éclats, parce que la future épouse de ses vieux jours a exigé le mariage religieux. Et quand le rabbin s’en mêle, on n’a plus d’épouse, plus d’identité, ni passé ni avenir. En fumée les souvenirs, la tradition familiale, les certitudes de la persécution ordinaire ! « Si Dieu n’était pas à Auschwitz, pourquoi serait-il à notre mariage ? ». Non, la fiancée sera intraitable, du moins pour le moment… Marabouté, psychanalysé, halluciné, interné, malmené, le malheureux se voit même tenu à l’écart par son vieux chat ! Dans cette farandole schizophrénique et jubilatoire, cols et lunettes servent aux deux acolytes de Weissmann à donner corps et voix aux divers personnages et aux avatars identitaires d’un Saül tiraillé. Alors, juif ou non-juif ? Comment se réclamer d’un arbre généalogique quand on n’est pas écologiste ? Le rythme est alerte, cynisme et humour fusent sans pesanteur, l’absurde s’invite à la table de cette réflexion ni douce ni amère sur ce qui fonde l’identité. Comme toujours, la bonne « histoire juive », par son auto-dérision corrosive, fait rire avec intelligence. A.D. Théâtre La Bruyère 9e.

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