LA
MAISON DU LAC
Article
publié dans la Lettre n° 285
LA MAISON DU LAC de Ernest Thompson.
Adaptation Jean Piat, Dominique Piat, Pol Quentin. Mise en scène
Stéphane Hillel avec Maria Pacôme Jean Piat, Béatrice Agenin, Damien
Jouillerot, Christian Pereira, Patrice Latronche.
L’endroit est idyllique. Le rideau de scène qui représente le lac,
vaste plan d’eau calme et serein le souligne, tout comme la maison
patinée par le temps et les années de bonheur du couple qui vient
y passer ses vacances depuis une quarantaine d’année. Edouard Laug
a particulièrement soigné ce décor. La maison et le lac, représentations
concrètes de ce bonheur qui suinte des murs et des arbres, deviennent
des personnages à part entière. 1969, l'été pointe son nez. Kate
et Tom Murphy ont ouvert une fois encore portes et fenêtres de la
maison de vacances, nid d’un amour sans nuages. Une angoisse vient
pourtant assombrir le bonheur des retrouvailles. Tom va fêter ses
quatre-vingts ans et il a des problèmes cardiaques. Il s’interroge.
Peut-être est-ce la dernière année? Sa femme Kate le rassure en
le houspillant un peu mais, sous les mots perce la même angoisse.
Mariée depuis soixante ans, elle a tout quitté pour Tom, peinture,
expositions et honneurs et s’est entièrement consacrée au bonheur
de ce mari si cultivé et si passionnant, mais au caractère si détestable,
qu’elle aime éperdument. En ne vivant que pour Tom, elle en a fait
un enfant gâté et, trop préoccupée par lui, a négligé Claudia, leur
fille unique. Tom, comme tous les pères, souhaitait un fils. La
nature lui a donné Claudia qu’il n’a pas su aimer. Celle-ci n’a
pas trouvé sa place entre ces deux parents exemplaires et s’est
éloignée. Une lettre d’elle arrive. Ils ne l’ont pas revue depuis
des mois et, contre toute attente, elle annonce son arrivée pour
souhaiter l’anniversaire de Tom. Mais elle ne vient pas seule. Bill,
son nouvel ami, et Billy le fils de celui-ci, l' accompagnent. Elle
souhaite les leur présenter. Elle a aussi une requête, celle de
leur laisser Billy le temps des vacances. Si Kate est enchantée
d’accueillir l'adolescent, Tom l’est beaucoup moins. Pourtant, sa
fille va lui offrir le cadeau que sa femme ne lui a pas fait, la
compagnie d’un jeune garçon avec qui partager les parties de pêche
qui ennuyait tant Claudia et les plongeons dans l’eau du lac qu’elle
ne savait pas accomplir. Les trois semaines en compagnie de Billy
vont passer comme un souffle et lorsque Claudia viendra le rechercher,
il faudra refermer la porte et avec elle les chers souvenirs et
un avenir incertain.
L’argument est ténu. Seuls restent les allers venus de chacun, le
contentement inquiet des retrouvailles, l’explosion des griefs et
puis le bonheur d’une découverte. Malgré l’âge et l’égoïsme, se
cache encore dans un vieux cœur une place pour aimer et les mots
pour l’avouer. L’adaptation faite à partir du film, plus moderne
que la pièce, est bien faite. Les mots nous parlent même s’il se
passe peu de choses entre ces êtres qui s’aiment mais qui s’affrontent.
La pièce est par-dessus tout l’occasion de revoir deux immenses
comédiens entourés par trois autres tout aussi talentueux. Jean
Piat plus vrai que nature en mari gâté et bougon, Maria Pacôme lumineuse
en épouse comblée, Béatrice Agenin, émouvante en fille mal aimée
et Christian Pereira, parfait, en gendre qui va tenter de se faire
accepter. Damien Jouillerot éclaire les scènes de sa jeunesse et
sa spontanéité. Un joli moment de théâtre. Théâtre de Paris 9e.
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