MAIS
N'TE PROMENE DONC PAS TOUTE NUE
et
FEU LA MERE DE MADAME
Article
publié dans la Lettre n° 299
MAIS N’TE PROMÈNE DONC PAS TOUTE NUE
et FEU LA MÈRE DE MADAME de Georges Feydeau. Mise en scène
José Paul avec Lysiane Meis, Michèle Garcia, Marc Fayet, Philippe
Magnan, Stéphane Cottin, Geoffroy Boutan.
Il est quatre heures huit de l’après midi et, sur Paris, règne une
chaleur caniculaire, « 36 degrés de latitude » d’après Madame.
Les domestiques s’affairent tout en discutant des Fables de La
Fontaine. Quel en est l’auteur et pourquoi ce titre, se demandent-ils
alors qu’à aucun moment, on y parle de fontaine... Julien Ventroux,
député très en vue, morigène sa femme Clarisse qui, une fois encore,
n’est vêtue que d’une simple chemise. Leur fils de treize ans n’a
plus l’âge de voir sa mère se promener à moitié nue, encore moins
les domestiques. Quant à monsieur Poincaré, dont les fenêtres donnent
chez eux, rien que de penser à ce qu’il peut observer à chaque heure
du jour, le comble d’embarras, voire de honte. Cette remarque déchaîne
chez ce couple bourgeois toute une série de discussions et de plaintes
dont sont témoins aussi bien les domestiques que les visiteurs.
Si une malencontreuse piqûre de guêpe, très mal placée, affole Clarisse,
elle va intéresser au plus haut point le maire d’une commune et
un journaliste, venus, l’un en quête d’un service, l’autre, d’une
interview.
Il est quatre heures huit du matin et, sur Paris, règnent une pluie
battante et un froid de loup. Des coups de sonnette insistants réveillent
Yvonne. Lucien, son mari, rentre d’une soirée déguisée qui s’est
achevée par un repas de douze sous, quelle prodigalité ! Si les
Ventroux font partie de la bourgeoisie aisée, il n’en est pas de
même pour ce couple-là dont les fins de mois sont difficiles. Les
griefs de madame, balayés tant bien que mal par les justifications
d’un mari costumé en Roi soleil, quelle idée par ce temps,
sont interrompus par un autre coup de sonnette. Le domestique de
la mère de madame annonce à celle-ci le décès de celle-là. Cris,
évanouissement d’Yvonne, vite soignée par Annette la bonne, armée
d’une salière salvatrice puisqu’on lui a demandé des sels, puis
habillage à la hâte, pendant que Lucien prévient avec un peu trop
de célérité son tapissier dont il va enfin pouvoir payer la facture
et, dans la foulée, les croque-morts dépêchés sur les lieux du décès.
Mais tout finira en chansons, car le bonheur est là pour l’éternité
dans la vie conjugale des ménages!
José Paul exploite à ravir la continuité du temps et un espace scénique
identique pour unir ces deux petites pièces, grâce au décor aux
couleurs pimpantes d’Edouard Lang qui sert à ravir les deux intrigues
l’une après l’autre. Le même vestibule donne sur un salon transformé
en chambre à coucher pour la deuxième pièce par les domestiques
tout à leur labeur. Georges Feydeau passe du vaudeville à la comédie
de mœurs avec le même génie. Moins de coups de théâtre, de quiproquos
à la chaîne mais le récit de la vie de couple au quotidien, inspirée
de sa propre existence et de celle de ses contemporains. Le comique
réside davantage dans les dialogues et dans les actes qui les ponctuent.
Maîtres ou domestiques, l’auteur ne laisse rien au hasard pour brosser
un tableau réjouissant de l’ignorance et de la sottise humaine et
cisèle des dialogues d’une implacable drôlerie. Théâtre de Paris
9e.
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