« LAISSEZ-MOI SORTIR »

Article publié dans la Lettre n° 317

« LAISSEZ-MOI SORTIR » de Jean-Marie Chevret. Mise en scène Jean-Pierre Dravel et Olivier Macé avec Annie Cordy, Mimi Lebon.
La réussite professionnelle de Joss de Guérande se reflète dans la superbe terrasse de l’appartement qu’elle occupe au septième étage d’un immeuble parisien. Elle peut être fière de son parcours de comédienne. Ce soir est le point culminant de ses soixante ans de carrière. Invitée vedette d’une émission de télévision, elle attend le chauffeur qui doit la conduire au studio. Vêtue d’un body recouvert d’un chemisier et d’un pantalon corail, elle répond au téléphone tout en s’affairant pour partir. Mais la méconnaissance d’une télécommande peut faire capoter la plus belle des soirées. Un store qui refuse de se relever et voici Joss enfermée sur sa terrasse. Les appels téléphoniques désespérés de sa sœur puis de son conseiller artistique n’y feront rien. La mémoire bientôt pleine du répondeur de son téléphone resté dans le salon l’oblige à cet angoissant constat : tout le monde la croyant déjà sortie de chez elle, personne ne viendra la délivrer. Prise au piège, elle va devoir passer la nuit sur sa terrasse, onze heures à attendre l’arrivée de sa femme de ménage, onze heures à méditer. C’est la nuit de tous les abandons car si ses proches l’abandonnent à elle-même par ignorance, elle va abandonner la Joss de Guérande qu’elle est devenue dans le souvenir de la petite Josseline Salé qu’elle fût, remémorant tout à coup un passé qu’elle a voulu oublier pour se construire un présent plus florissant et espérer encore en un avenir.
Annie Cordy force l’admiration. Durant une heure et demie, excepté la brève apparition de sa partenaire femme de ménage, elle remplit la scène de sa formidable vitalité. Subjugué par cette flamboyante tornade, son auditoire passe par tous les états : médusé, amusé, admiratif, ému, il suit le récit d’une vie avec ses joies et ses peines, ses bonheurs et ses souffrances, ses succès et ses échecs. Elles est d’autant plus parfaite que l’on pourrait croire que sous Joss de Guérande se cache une part d’Annie Cordy, cette artiste protéiforme qui, un peu comme son personnage, a derrière elle une carrière impressionnante de chanteuse et de comédienne. Grâce à une mise en scène toute en nuances, Jean-Pierre Dravel et Olivier Macé parviennent avec talent à canaliser l’incroyable punch de ce phénomène pour nous offrir le récit drôle et émouvant d’une femme d’exception, dont la réussite n’a tenu qu’à elle seule et à son courage. On y plonge avec bonheur ! Théâtre Daunou 2e.

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