LES JOYEUSES COMMERES
DE WINDSOR
Article
publié dans la Lettre n° 307
LES JOYEUSES COMMÈRES DE WINDSOR de
William Shakespeare. Texte français Jean-Michel Déprats et Jean-Pierre
Richard. Mise en scène Andrés Lima avec Catherine Hiegel, Catherine
Sauval, Thierry Hancisse, Andrzej Seweryn, Cécile Brune, Bruno Raffaelli,
Christian Blanc, Alexandre Pavloff, Céline Samie, Pierre Vial, Christian
Cloarec, Bakary Sangaré, Loïc Corbery, Pierre Louis-Calixte, Serge
Bagdassarian, Benjamin Jungers, Christian Hecq, Camille Blouet,
Géraldine Roguez. En choisissant de monter l’une des rares comédies
de Shakespeare qui décrit avec autant d’humour que d’ironie la société
provinciale du XVIe siècle, où désirs refoulés se heurtent au puritanisme,
Andrés Lima confirme un talent original déjà remarqué grâce à sa
mise en scène de « Bonheur », pièce représentée l’an dernier au
Théâtre du Vieux Colombier (Lettre 283).
Dans une taverne de la ville de Windsor, le brouhaha est à son comble.
A la lueur des bougies, on s’esclaffe, on trinque, le vin coule
à flots, le ton monte, les gestes et les mots se font lestes. On
s’apostrophe, on se chamaille, on s’accuse de vol. Falstaff raconte
une histoire qui lui est arrivée après la guerre de cent ans dans
cette bonne ville. A bout de ressources, il caresse le dessein de
faire la cour à deux bonnes dames, Madame Lepage et Madame Duflot
qui, paraît-il, « a la haute main sur la bourse de son mari ». « Je
serai leur trésorier, elles seront mes banquières ». Mais les deux
commères « sont d’un bon sens comme on en a rarement vu chez des
bonnes femmes ». Elles comparent les deux lettres qu’il leur adresse,
comprennent son jeu et décident de venger leur honneur en lui jouant
quelques tours pendables. Sur cette première intrigue s’en greffe
une autre. Anne Lepage « reine de virginitude » est un beau parti.
Le pasteur se fait fort de demander sa main à son père, pour Maigreux,
le neveu du juge Falot. Mais le docteur Caius est sur les rangs,
poussé par sa servante Madame Pétule. Les discussions vont bon train.
Beaucoup de bruit pour rien car le cœur de la belle balance
pour un jouvenceau pour le moment dédaigné par les parents. Les
deux amoureux n’ont pas dit leur dernier mot.
La taverne est le cadre idéal pour créer l’ambiance baroque, truculente
de l’époque. Ce décor plus vrai que nature se transforme peu à peu
grâce, entre autres, à l’apparition d’un arbre, puis de deux, rejoints
par une multitude en toile de fond. L’éclairage créé de prime abord
par les bougies, devient lumière artificielle à mesure que l’intrigue
se déroule et se termine dans une quasi obscurité pour la scène
dans la forêt. La scénographie d’une extrême efficacité permet un
champ d’action appréciable pleinement exploité par les comédiens
du Français qui se plient à des rôles exigeant des talents artistiques
aussi différents que la comédie, le chant et la danse. Les personnages
sont merveilleusement brossés et mis en valeur par une traduction
remarquable, drôle et inventive. Le pasteur originaire « du plat
pays », accent belge à l’appui, se propose de présenter Maigreux
à Monsieur Lepage. Bien élevé, il « apporte des bonbons » à la jeune
promise. Madame Pétule, la servante du docteur Caius dont la coiffure
est aussi ahurissante que le langage, est bien décidée à imposer
son maître. Son savoureux babillage ponctué d’une série de nonobstant
explicatifs ainsi que de promesses signées par autant de crachats,
sont une manne pour Catherine Hiegel qui excelle dans ce rôle et
s’impose une fois de plus comme l’une des toutes meilleures comédiennes
que compte notre pays depuis des décennies. Nos deux commères, diaboliques
Catherine Sauval et Cécile Brune, s’entendent comme larrons en foire
pour se jouer de Falstaff, campé par l’impayable Bruno Raffaelli,
aussi hardi dans l’amour des plaisirs que plaintif dans les avatars.
Monsieur Duflot, Christian Hecq, se déguisant pour confondre sa
femme, est fabuleux. Son jeu atteint des sommets dans la scène du
panier à linge, tandis que son ami Lepage, remplissant la scène
de sa bonhomie sous les traits de l’excellent Serge Bagdassarian,
tente de temporiser son ardente jalousie. Tous, portés par la musique,
les lumières, le décor et l’inventivité des costumes et grâce à
leurs talents conjugués, font littéralement vivre cette comédie
réjouissante. Un spectacle de qualité dont la première heure mériterait
peut-être d’être un peu resserrée. Comédie Française 1er.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|