LA
JOURNEE DES DUPES
Article
publié dans la Lettre n° 287
LA JOURNÉE DES DUPES de Jacques Rampal.
Mise en scène Yves Pignot avec Emmanuel Dechartre, Benoît Solès,
Julie Ravicz, Cécile Paoli, Florian Cadiou, Didier Niverd, Daniel-Jean
Colloredo, Rachel Pignot, Stéphane Valin.
Le beau fond de ciel bleu du décor montre une journée radieuse qui
l’est moins ce 10 novembre 1630 : la France est au bord de la guerre
civile. La reine mère Marie de Médicis a réuni dans son palais du
Luxembourg Gaston d’Orléans, frère du roi, la reine Anne d’Autriche
, et Michel de Marillac son fidèle Garde des Sceaux. Elle a décidé
de répudier Richelieu, autrefois ami et complice, aujourd’hui devenu
un ennemi de ses intérêts qu’il faut abattre. Elle est convaincue
que Louis XIII, qu’elle croit faible, la suivra. Ceux qui l’entourent
nourrissent les mêmes espoirs. La reine Anne, délaissée par un époux
souffrant et fort mauvais amant, est très attirée par Monsieur,
le beau Gaston d’Orléans, qui lui, brigue le pouvoir à la place
de son aîné et complote depuis toujours. « Le roi est malade […]
c’est le chant du cygne […] il mourra dans l’année». Richelieu écarté,
la voie sera libre. Mais pendant qu’ils discutent ainsi de l’avenir
de la France, une porte non verrouillée s'ouvre et les surprend.
Richelieu survient sans crier gare. Marie de Médicis, furieuse d’être
prise sur le fait, lui signifie son renvoi. Louis XIII, affaibli
par sa maladie, apparaît alors et ne semble pas vouloir contredire
sa mère. Tous croient l’affaire dans le sac. Mais Louis, retiré
pour la nuit dans son pavillon de chasse de Versailles, convoque
Richelieu par l’intermédiaire du père Joseph, son Eminence grise.
L’entretien dure toute la nuit et le 11 au matin, contre toute attente,
le roi rallie l’homme pour qui il ressent pourtant des sentiments
contradictoires, s'opposant ainsi à Marie de Médicis, au Parti dévot,
à la Ligue et aux ennemis de Richelieu, qui lui triomphe. Gaston
d'Orléans en fuite, Marie de Médicis exilée, Anne provisoirement
reléguée dans un couvent, Marillac écroué, cette journée qui se
voulait triomphale est celle des dupes et pour la France celle peut-être
d’un sauvetage.
Ces vingt-quatre heures décisives baptisées La journée des Dupes
est pain béni pour un auteur comme Jacques Rampal rompu à l’étude
des caractères de personnages hauts en couleur. Il le prouva autrefois
avec sa pièce Célimène et le Cardinal qui remporta un vif
succès. Il est ici à son affaire et n’hésite pas à tourner en alexandrins
la joute oratoire que se livrent des personnalités hors normes :
Marie de Médicis, l'italienne au sang chaud, naguère surnommée la
grosse banquière, pour avoir apporté dans sa corbeille de mariage
une dot colossale. Anne d’Autriche, l' espagnole, qui n'a pas encore
donné d'héritier. Échangée il y a quinze ans contre Isabelle
de Bourbon, sœur de Louis XIII, destinée au futur Philippe IV, elle
est arrivée à la cour de France avec une suite impressionnante qui
ne manque pas de déranger son royal époux. Gaston d’Orléans, frère
cadet qui méprise son aîné et cherche à prendre sa place. Richelieu
dont l'implacable cuirasse cache une grande vulnérabilité. Louis
XIII enfin, l’un de nos rois le plus mal connu, qui se révèle beaucoup
plus habile et courageux qu’il le laisse soupçonner. Menés par la
mise en scène très vive de Yves Pignot, les comédiens restituent
avec brio le texte subtil et intelligent. Il n’y a pas figure plus
complexe que celle de Louis XIII. Benoît Solès excelle à mettre
en relief celle d’un roi dont le caractère aux multiples facettes
déconcerte. Théâtre 14 14e.
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