JEANNE ET MARGUERITE
Article
publié dans la Lettre n° 365
du
3 mars 2014
JEANNE ET MARGUERITE. Texte de Valérie
Péronnet. Mise en scène de Christophe Luthringer avec Françoise
Cadol.
A quelques générations et un siècle de distance, Jeanne et Marguerite
se font parasiter par l’ingénieur qui est entré dans leur vie, dans
la lumière joyeuse d’une plage estivale comme dans l’ombre solitaire
du scribe des autres. Même morsure du manque de l’autre, mêmes baisers
volés à l’indiscrétion sociale, au vide clandestin, même tapisserie
épistolière. Le temps file et se défile, et elles écrivent pour
conjurer la peur, de l’éloignement, de la guerre, de la mort
qui rôde. Ecrire comme une pulsion d’amour, quand le corps de l’autre
est hors de portée. S’abîmer dans une vie de lettres, de chapitres
qui s’accumulent, de temps qui s’entrebâille, dans le filigrane
du silence inexorable.
Insouciance patiente de Marguerite, volupté douloureuse du téléphone
de Jeanne, deuils et dénégations, Françoise Cadol les donne à voir
et entendre, avec pudeur, drôlerie et une infinie tendresse, en
duos amoureux, en échos intemporels. Une table, le cerne d’une lampe,
quelques artifices visuels et vocaux suffisent à donner corps aux
questions vitales : comment se recroqueviller autour de son cœur
dans les affres de l’attente, dans le brouillard du cœur qui
ne passe pas, comment survivre à la douleur de la disparition ?
Quand commence la mort intérieure, quand se retire la mer du chagrin
? Tout est simple dans ce spectacle, il suffit de se laisser
porter … Théâtre La Bruyère 9e. A.D.
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