L'INVITE

Article publié dans la Lettre n° 223

L’INVITE de David Pharao. Mise en scène Jean-Luc Moreau avec Patrick Chesnais, Evelyne Buyle, Philippe Khorsand, Gérard Maro.
Gérard a la cinquantaine désabusée. Trois ans de chômage lui ont fait perdre ses repères. Il ne sait comment prendre la proposition inespérée d’un poste correspondant à sa spécialité très pointue, mais en Indonésie. Tout dépend de Pontignac. Le D.R.H vient dîner chez lui. Cette nouvelle met Colette, son épouse, dans tous ses états. Bibiche est une ménagère plan-plan et une cuisinière nulle. Une fuite d’eau, telle un raz de marée indomptable, a mis dans les pattes du couple leur voisin Alexandre. Alexandre sait tout, observe tout. Il tire la sonnette d’alarme: cette invitation à dîner est une ruse, un piège terrible, « pénétrer chez quelqu’un, c’est lire sa vie à livre ouvert ». Alexandre lit le feuilleton d’un couple de petits bourgeois englué dans des habitudes de français moyen. Tout passe au crible de sa sagacité de conseil en image, la déco, la musique, les livres. Alexandre retire le circuit ferroviaire qui balise tout l’appartement. Les trains est la grande passion de Gérard. Exit les disques de Cloclo, exit les verres du prisu. Alexandre relooke l’appartement et le couple. Il prend tout en main. Tout, enfin presque tout.
David Pharao, sous le couvert d’une franche comédie, titille notre société et le monde impitoyable du travail où certains décideurs se comportent comme des hors-la loi du code du travail. David Pharao a écouté les confidences d’un directeur des ressources humaines et tous ses trucs, ruses, pièges, enfin toute la panoplie, pour sélectionner le bon candidat. Dans l’Invité, il met en présence des figures qui sont des symboles de notre époque. Le chômeur-longue durée qualifié et spécialisé par conséquent incasable, la ménagère de plus de cinquante ans, si chère aux sondages, le quinqua gauche-caviar et l’intégrateur de compétences. La pièce est d’un humour grinçant, dans la lignée des Directeurs. Le trait de la comédie n’est pas si grossi que l’on croit, tant la loupe de Pharao ne fait que focaliser intimement un fait de société.
Jean-Luc Moreau a fait une mise en scène serrée au rythme soutenu. Il faut dire qu’il est épaulé par des comédiens aguerris à cet exercice périlleux qu’est la comédie sociale. Philippe Khorsand joue avec gourmandise Alexandre, le conseiller en tout. Ce pince-sans-rire impeccable, avec son sourcil charbonneux qui lui donne un côté angoissant qu’il efface d’un sourire enfantin, nous offre une prestation hilarante. Evelyne Buyle compose, avec son charme habituel et cette petite touche ingénue, une petite bourgeoise dépassée par les événements. Patrick Chesnais a la nonchalance dépressive de Gérard dont il semble trop détaché. Le poisson rouge, dans un rôle très physique, tient le bocal d’un bout à l’autre. Quant à Gérard Maro, dont le personnage apportera son lot de quiproquos et de rebondissements, il est remarquable. Il joue vrai, en retenue.
Le ton, le geste, tout y est. Assurément, l’Invité signera un CDIR (contrat à durée indéterminé de rire). Théâtre des Mathurins 8e (01.42.65.90.00).

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