L'INSCRIPTION
Article
publié dans la Lettre n° 225
L’INSCRIPTION de Gérald Sibleyras.
Mise en scène Jacques Echantillon avec Nathalie Cerda, Claude Evrard,
Raphaeline Goupilleau, Jean-Luc Porraz, Martine Sarcey, Stephan
Wojtowicz.
Les Lebrun ont fait le grand saut. Ils viennent de quitter la banlieue
pour emménager dans un immeuble plus proche du lieu de travail de
monsieur. Un beau soir, en prenant l’ascenseur, celui-ci découvre,
stupéfait, une inscription gravée sur la paroi près du miroir: Lebrun=
C. Que faire et surtout comment réagir face à cette insulte qui
lui est apparemment destinée? Ignorer ou agir? Monsieur Lebrun choisit
la deuxième solution, refuse d’effacer l’équation malgré les exhortations
de sa femme, et rend visite aux voisins afin de les prendre à témoin.
A sa grande surprise, ceux-ci ne se montrent guère coopératifs,
alléguant que, le patronyme étant des plus courants, l’inscription
ne lui est peut-être pas destinée. De plus, sa plainte leur paraît
suspecte. Le couple s’aperçoit alors que ces gens, en apparence
normaux, parlent un langage totalement différent du sien où les
phrases stéréotypées et les lieux communs se sont substitués à la
pensée: « Tolérance et transparence », côtoie allègrement « C’est
top » ou « A l’aube du XXe siècle »! Ne connaissant que leur courage,
les Lebrun vont tenter de «s’intégrer», mais défaut majeur, ils
ignorent ce qu’est une fête de quartier et encore plus le maniement
des rollers. La partie est perdue d’avance.
La jeune carrière de Gérald Sibleyras est déjà jalonnée de plusieurs
pièces dont l’une Un Petit jeu sans conséquence, écrite en
collaboration avec Jean Dell, a remporté cinq Molières, battant
sa première pièce, écrite en solo, Le Vent des peupliers,
elle-même nommée quatre fois. Il fait de nouveau cavalier seul avec
cette dernière oeuvre au sujet assez mince, mais qu’il va développer
de façon caustique et cocasse. Il s’agit pour lui d’écorner une
couche bien particulière de la société française, « celle du français
pour qui la formule a remplacé la pensée au nom du politiquement
correct ». Que ce soit à l’intérieur d’une maison de retraite ou
dans un immeuble, son sens inné de l’observation lui permet de croquer
à merveille toute une galerie de personnages que tout un chacun
a rencontré ou croise chaque jour. Et c’est ce sens du vrai, de
la réalité quotidienne qui fait mouche. Jacques Echantillon met
en scène avec délectation, dans un décor bien adapté aux situations,
des comédiens aiguillonnés par un rythme soutenu. Jean-Luc Porraz
est un Lebrun excellent, dépassé par les événements. Nathalie Cerda
est délicieuse en épouse effarouchée, Claude Evrard et Martine Sarcey,
Stephan Wojtowicz et Raphaeline Goupilleau campent avec allégresse
des couples infernaux, voisins du diable s’acharnant sur leurs victimes.
Petit Montparnasse 14e.
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