L’INATTENDU
Article
publié dans la Lettre n° 375
du
8 décembre 2014
L’INATTENDU de Fabrice Melquiot. Mise
en scène Arnaud Beunaiche avec Lucilla Sebastiani.
Pourquoi l’a-t-il désertée, ce petit chou, ce tigre,
à la peau de nuit tombée ? Voilà ce que c’est que de vouloir
marcher sur les eaux du fleuve. N’est pas Jésus qui veut, même pas
non plus celui qui se nomme La Fayette, le gentil garçon boucher.
La vie inconsolable s’écoule comme la couleur des souvenirs. Noir,
bleu, rouge, vert comme la bouteille dont elle trinque un peu trop,
jaune comme le sable de ses jours. Plier des chemises, se laver
les oreilles, guetter ces flacons de verre coloré qu’elle retrouve
magiquement au matin. Et tous ces hamacs qu’elle aimait tant
effilocher avec lui torturent sa chair en manque.
Parce qu’elle ne peut plus le voir, elle va ouvrir les yeux sur
le monde. Terre de Sienne, cette terre deviendra enfin sienne
au retour du grand périple de la mémoire et du regard sur la souffrance
des autres. Tout est blanc, la poussière accumulée, le serviable
milicien devant le pont tronqué.
Maintenant, enfin, elle peut vivre parce qu’enfin, elle peut se
souvenir… et plier ses chemises à elle.
Un arbre sec qui fleurit de flacons successifs, une chaise sur laquelle
repose le manteau de l’absent, le tas des vêtements qu’il ne portera
plus, la mise en scène est saisissante dans son dépouillement et
laisse le champ libre à une langue mélodieuse et pleine, toute de
franc-parler et de poésie, dans laquelle Lucilla Sebastiani se love
avec bonheur.
La vie c’est ce qui nous arrive quand on fait autre chose. A.D.
Théâtre 12 12e.
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