L’IMPORTANCE D’ETRE WILDE

Article publié dans la Lettre n° 333
du 5 décembre 2011


L’IMPORTANCE D’ETRE WILDE de Philippe Honoré. Mise en scène Philippe Person avec Anne Priol, Emmanuel Barrouyer, Pascal Thoreau.
Comment dire l’insolence du dandy fauteur de scandale dans l’ère victorienne de la bienséance ? Comment éviter l’écueil du tout-aphorisme et ne pas réduire l’esthète décapant à la presque banalité d’une biographie conventionnelle ?
A ce stimulant défi, les deux Philippe Honoré et Person, secondés par leurs trois excellents joyeux drilles, répondent par une mise en scène en chaos apparent, aussi jubilatoire que chargée d’émotion et de tendresse. Oscar Wilde y parle à trois voix alternées et se dévoile dans l’évocation en demi-teinte des témoins de son inclassable parcours. Il dérange par la séduction protéiforme qu’il continue à exercer au-delà de ses foucades tragiques, de ses bouffonneries déroutantes. La vraie pudeur derrière le masque de la provocation, une exigence inexorable au prix de la liberté, de la misère et de la mort lamentable. Vrai amoureux, traître à son tour trahi par les siens, dans l’éclat permanent de la fantaisie débridée, Wilde apparaît d’une singulière modernité, d’une acuité intemporelle dans son regard sur la gente humaine et ses petitesses comme ses grandeurs. Les trois « auto-personnages » ne renoncent à aucune référence signifiante, l’Elvire de Molière, le juge stripteaseur des Monthy Python… et impriment à cette farandole de bons mots et d’actes dangereux un rythme aussi tonique et déroutant que le modèle qui les inspire. Dans le rire tragique d’un homme plein de poisons qui se combattent avec fureur. Il est urgent de renouer avec une insolence qui fait tant défaut à nos époques d’insidieuse bien-pensance et de récurrence victorienne… Théâtre Le Lucernaire 6e. A.D.


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