L’IMPORTANCE D’ÊTRE SÉRIEUX
Article
publié dans la Lettre n° 353
du
15 avril 2013
L’IMPORTANCE D’ÊTRE SÉRIEUX d’Oscar
Wilde. Adaptation Jean-Marie Besset. Mise en sène Gilbert Désveaux
avec Claude Aufaure, Mathieu Bisson, Mathilde Bisson, Matthieu Brion,
Arnaud Denis, Marilyne Fontaine, Margaret Zenou.
Deux jeunes gens de la bonne société londonienne usent d’un stratagème
afin de vivre à leur guise. Jack Worthing, tuteur de la jeune Cécily
Cardew qu’il élève secrètement à la campagne, s’est inventé un frère
cadet débauché, Ernest, afin de venir à Londres où il se présente
sous ce prénom. Algernon Moncrieff, son meilleur ami, s’est inventé
un ami impotent, Bunburry, alibi très commode pour échapper aux
mondanités, en particulier à celles de sa tante Lady Bracknell.
Mais le cœur a des raisons de venir troubler la vie bien organisée
des deux imposteurs. Jack est amoureux de Gwendolen Fairfax, la
fille de Lady Bracknell. De son côté, ayant découvert l’existence
de Cecily, Algernon brûle de faire sa connaissance, malgré l’interdiction
absolue de Jack. Entre ville et campagne, un grain de folie s’empare
de tout ce petit monde.
« The Importance of being Earnest », titre original de ce petit
chef d’œuvre d’humour et d’intelligence, est l’une des meilleures
comédies d’Oscar Wilde. L’auteur manie à la perfection le double
jeu des personnages, cisèle des dialogues savoureux et imagine des
situations inénarrables. La traduction la plus commune du titre,
L’importance d’être constant, permet un jeu de mots avec le
prénom, clin d’œil au jeu de mots de l’auteur entre Earnest (sérieux,
sincère) et Ernest.
Jean-Marie Besset propose une nouvelle traduction. En transposant
« earnest » par « sérieux », il rapproche les sonorités de « earnest
» et de « uranist », mot qui désigne l’homosexualité. Il suggère
ainsi une relation équivoque entre les deux amis et rappelle de
ce fait le penchant de l’auteur. Cette adaptation apporte-t-elle
vraiment quelque chose, même si cette idée a pu effleurer Wilde
? Les conventions de la société victorienne sont suffisamment bravées
pour ne pas rajouter une relation qui déconcerte plus qu’elle ne
sert.
Le décor, dépouillé à la ville, classique à la campagne, et la mise
en scène peu enthousiasmante, ne restituent guère l’atmosphère électrique,
tourbillonnante et joyeuse et les multiples rebondissements de la
pièce. On rit des bons mots, certes fort bien adaptés, mais les
péripéties vécues par les personnages restent assez ternes, l’épilogue,
surtout, comparé à la fin rocambolesque de l’oeuvre originale.
L’interprétation, brillante, est la réussite majeure de ce spectacle.
Celle, particulièrement savoureuse, de Claude Aufaure dans les deux
rôles de Lady Bracknell et du pasteur, en est le pivot. Théâtre
Montparnasse 14e.
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