L'ILLUSION
CONJUGALE
Article
publié dans la Lettre n° 302
L’ILLUSION CONJUGALE de Éric Assous.
Mise en scène Jean-Luc Moreau avec Isabelle Gélinas, Jean-Luc Moreau,
José Paul.
Les lignes épurées d’un intérieur aux rares meubles très chic sont
sans ambiguïté : Jeanne et Maxime n’ont aucun problème financier.
Dans un couple, les factures ne sont pas toujours les seules causes
de fractures. Bien d’autres sont inévitables et il n’est pas rare
que l’un des deux, elle en général, manifeste son agacement ou son
indignation par un « il faut qu’on parle »… Mais Jeanne ne prononce
pas cette phrase rebattue. Elle souhaite seulement savoir combien
de fois Maxime l’a trompée. Elle veut juste un chiffre, comme cela,
pour « mettre les compteurs à zéro ». Un marchandage s’instaure
car, pour Maxime, il y a deux compteurs et il veut savoir lui aussi.
Il lui avoue une douzaine d’aventures, elle lui en avoue une seule
qui a duré neuf mois. Il est accablé. Pour lui, de toutes ces incartades
d’une nuit ou de quelques semaines, il n’en a gardé que le souvenir
diffus de deux corps qui se mêlent. Ces femmes se sont mélangées,
dissoutes, « elles étaient solubles ». Tandis que pour Jeanne, c’est
différent : une seule liaison mais durant neuf mois, lui a certainement
laissé un souvenir persistant, et cela, pour Maxime, c’est insupportable.
Dans son inconscience de mâle blessé, il n’aura pas de cesse qu’il
n’obtienne le nom de l’amant car si, en plus, c’était un ami… Elle
refuse et déclare simplement qu’il n’était pas libre. C’est le moment
que choisit Claude pour téléphoner. Depuis longtemps ami du couple,
il joue souvent au tennis avec Jeanne. Maxime l’invite à déjeuner.
Marié, son mariage « incongru » s’est récemment soldé par « un divorce
meurtrier ». Il confie qu’il a perdu son travail et qu’il ne va
pas très bien : « je serais employeur, je ne m’engagerais pas »
! Il n’en faut pas davantage à Maxime pour porter ses soupçons sur
son ami d’autant que ce déjeuner semble gêner Jeanne. L’issue des
quelques heures passées ensemble sera douloureuse. Dans l’idée fixe
de vouloir connaître le nom de son rival, Maxime s’engage sur une
pente très glissante. Il ne s’aperçoit pas que la demande anodine
de sa femme cache quelque chose de beaucoup plus profond. Et pour
demander des comptes, il ne faut pas avoir franchi certaines limites.
Télévision, cinéma, théâtre, Éric Assous sait tout faire et a tout
fait. Son nom est associé à un nombre impressionnant d’oeuvres et
est écrit en ce moment, en tant qu’auteur, sur le fronton de plusieurs
théâtres (voir article ci-dessous). Comédie grinçante ou pièce plus
grave, la qualité de son écriture est aussi exigeante pour l’une
que pour l’autre. Éric Assous possède une parfaite connaissance
du genre humain, qu’il soit masculin ou féminin, et il en cerne
fort bien les faiblesses. Les thèmes relevés sont travaillés en
profondeur. Drôle, incisive ou assassine, chaque réplique fait mouche.
La mise en scène fluide de Jean-Luc Moreau et l’interprétation sans
faille des trois comédiens mettent en évidence avec discernement
blessures et trahisons. José Paul est excellent. Il exprime avec
finesse et sans ostentation les sentiments contradictoires de l’ami
blessé, malmené par la vie. Jean-Luc Moreau est parfait dans le
rôle de Maxime. Imbu de lui-même, d’un égoïsme aveugle, il ne semble
même pas saisir le véritable sens des dernières répliques de Jeanne.
Isabelle Gélinas, quant à elle, utilise avec un talent impressionnant
toute la palette de ses sentiments. Ironique, provocante, incisive,
elle chemine lentement vers l’aveu émouvant de sa blessure secrète.
Portant à ravir une petite robe importable, elle est tout simplement
merveilleuse. Cliquer
ici pour voir un visuel de la pièce. Théâtre de
l’œuvre 9e.
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