IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT
OUVERTE OU FERMÉE
précédé de
La Clef du grenier d’Alfred
Article
publié dans la Lettre n° 340
du
30 avril 2012
IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMÉE
d’Alfred de Musset précédé de La Clef du grenier d’Alfred,
d’Isabelle Andréani. Mise en scène Isabelle Andréani avec Isabelle
Andréani et Xavier Lemaire.
Sous la garde de Molière, le grenier offre un fouillis de papiers
épars, de vieilles malles, de meubles hors d’usage. Tout le fatras
des souvenirs de plume et de théâtre du maître tant apprécié de
Léonie et d’Edouard. Elle est la pulpeuse servante qui veille avec
une gouaille jalouse et affectueuse sur le quotidien d’Alfred de
Musset, il en est le cocher, d’une culture et d’une mémoire surprenantes
quand il s’agit des écrits poétiques et théâtraux du génial romantique.
Que voulez-vous, un cocher meuble comme il peut les longues attentes…
Tous deux, en quête d’hypothétiques harnais, vont communier dans
de réjouissantes réminiscences, quelques vers par-ci, des tirades
par-là, jusqu’à former le projet, aussitôt mis en œuvre, de jouer
le texte même de Musset, qu’ils connaissent tous deux par cœur.
Jouer à la Marquise et au Comte, jouer à se dire, par leurs bouches,
les sentiments qui s’ébauchent entre la servante et le cocher ?
Le trouble et l’équivoque en sont délicieux. Immédiate et parfaite
est la métamorphose des deux domestiques dans le duel amoureux que
se livrent les aristocrates de la fiction théâtrale. Tout à leur
désœuvrement de nantis qui se lovent avec délices et perversité
dans les tergiversations sur l’amour, ses mots malhabiles et ses
refus hypocrites, voire masochistes. Une palette de petites souffrances,
entre cynisme et amertume, que n’aurait peut-être pas reniée Marivaux.
Dans ce jeu de l’amour où il n’y a pas de hasard, les faux départs
malmènent une porte qui aimerait enclore le nid des amants dans
leur sincérité enfin avouée. Léonie et Edouard s’ébroueront en éclat
de rire au sortir de ces aveux substitués. Mais en sortiront-ils
indemnes ? Voire…
Isabelle Andréani, non contente d’avoir concocté un « grenier »
d’Alfred verbal et matériel très convaincant, est une Léonie mutine
et jaillissante, jubilatoire. Et elle sait conférer à la Marquise
sa profondeur douloureuse et fragile. Face à elle, Xavier Lemaire
campe le cocher dans sa fausse balourdise pleine de surprises cultivées,
tout en trouvant pour le Comte, mot après mot, geste après geste,
les accents balbutiants et enfin persuasifs d’un amour authentique.
Quel délicieux moment ! Comment résister au duo plein de finesse
des acteurs, qui instillent dans un public complice une telle joie
de jouer ? Petit Hébertot 17e. A.D.
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