L'HOMME EN QUESTION

Article publié dans la Lettre n° 204


L’HOMME EN QUESTION de Félicien Marceau. Mise en scène Jean-Luc Tardieu avec douze comédiens dont Michel Sardou, Brigitte Fossey, André Badin, Mélodie Bérenfeld, Rosine Cadoret, Alain Cerrer, Nicole Dubois, Gilbert Pascal.
A une heure avancée de la nuit, Monsieur Jaume fait une patience, il triche bien sûr. Un rire cristallin puis une apparition quasi divine lui objectent que tricher contre soi-même n’est pas bien malin. C’est pourtant ce qu’a fait Monsieur Jaume toute sa vie, construire de sa vie une fausse image, parce que celle-ci lui convenait. Cette apparition blonde et diaphane va le lui démontrer. C’est facile, elle est sa conscience. D’abord agacé, Jaume n’a d’autre choix que de lui prêter attention. Depuis son premier emploi jusqu’à l’accession au plus haut poste, cet homme comme tout le monde va recevoir un reflet de lui-même pas aussi reluisant que celui qu’il s’était fabriqué. Lors de l’entretien de son premier emploi il s’était cru fanfaron, il fut servile. Son comportement ne fut pas non plus très chevaleresque avec les femmes, sauf avec la sienne mais il l’a perdue trop tôt. Il l’aimait, il l’explique grâce à un fort joli monologue sur une passion partagée entre deux êtres. Mais la noirceur du personnage reste à venir. Veuf, il a élevé seul sa fille Nathalie avec cet amour exclusif dont certains pères sont capables. Rejeter les prétendants de sa fille fut un jeu d’enfant sauf pour Maurice qui parviendra à s’imposer. Partager sa fille, supporter ce gendre lui seront insupportables. Le travail de sape deviendra monstrueux. Ce soir, monsieur Jaume est parvenu au sommet, mais il a perdu ce qu’il avait de plus cher. Il voudrait faire taire sa conscience mais, elle, ne l’entend pas ainsi. A quatre-vingt-neuf ans, Félicien Marceau possède une remarquable expérience du genre humain. Son sujet original est intéressant parce qu’intemporel. Sa démonstration risquait d’ennuyer très vite par son côté répétitif mais la mise en scène vive de Jean-Luc Tardieu, le décor très pensé de Roberto Plate, le travail impeccable des lumières de Jacques Rouveyrollis habillent de belle façon cette joute oratoire entre deux excellents comédiens. Brigitte Fossey, délicieuse et mutine est une conscience à croquer. Michel Sardou se tire fort bien du rôle écrasant d’un homme mis à la question. Théâtre de la Porte Saint-Martin 10e (01.42.08.00.32).


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