HOMEBODY / KABUL

Article publié dans la Lettre n° 217


HOMEBODY / KABUL de Tony Kushner. Texte français Pierre Laville. Mise en scène Jorge Lavelli avec Catherine Hiegel, Jean-Baptiste Malartre, Eric Génovèse, Alexandre Pavloff, Lisa Pajon, Shokouh Najmabadi, Sadreddin Zahed, Mohammad Djalali, Hamid Réza Javdan.
Assise à une table, une anglaise nommée la Femme, lit avec délectation un guide « périmé » de l’Afghanistan. Volubile, elle raconte l’histoire de ce pays qui la fait rêver. Elle entrecoupe son récit de réflexions plus terre à terre, comme l’achat de chapeaux pour une fête. Elle explique sa rencontre avec l’afghan aux doigts coupés. Mue par un désir irrépressible de voir Kaboul et la tombe de Caïn, elle quitte Londres et sa famille pour la capitale afghane et l’incertitude.
Milton, le père et l’époux, et Priscilla, la fille, restent en plein désarroi. Ne comprenant pas ce départ qui ressemble à une fuite, ils partent pour Kaboul à leur tour. Initié par Quango Twistleton, son guide, Milton s’abîme dans l’alcool, l’opium et la drogue propices à la confidence, tandis que Priscilla, camouflée par une burka, part à la recherche de cette mère qui parlait trop, avec des mots trop savants, avec laquelle elle a partagé un passé difficile, mais qui lui manque. Déterminée, elle se heurte avec rage à l’obscurantisme afghan.
Les rencontres, la vision d’un pays en plein chaos, les laissent sans réponse, l’un convaincu de l’assassinat de sa femme, l’autre continuant à croire à sa survie, à son remariage et à sa conversion à l’islam, avec pour seule satisfaction d’avoir sauver Mahala, la rebelle, des griffes des Talibans. Reste l’interrogation fondamentale: que s’est-il passé dans la tête de la Femme pour rompre ainsi avec ses racines et tenter de se reconstruire dans un monde culturel opposé au sien?
Exécuter une mise en scène à partir du texte foisonnant de Tony Kushner semble une gageure tant le sujet abordé est vaste. Si le texte français de Pierre Laville restitue minutieusement l’histoire et l’expression des sentiments, la mise en scène de Jorge Lavelli les expose de manière précise et concise. Ce qui aurait pu paraître abscons ou fastidieux devient lumineux. On parvient sans peine à entrer dans ce monde étranger de l’histoire afghane et à comprendre le choc entre deux civilisations qui, chacune à sa façon, marque la fin d’une ère.
Catherine Hiegel est la Femme qui bascule tout à coup de son occident en déroute dans un horizon encore plus dramatique, mais dans lequel elle pense être utile, celui d’un pays où la femme est l’objet de tous les sévices. En un long monologue, captivant son auditoire, elle est époustouflante. Jean-Baptiste Malartre, Alexandre Pavloff et Lisa Pajon, excellents, représentent avec elle l’échec des principes fondamentaux occidentaux tandis qu’Eric Génovèse et les quatre comédiens d’origine iranienne incarnent avec conviction un islam en pleine dérive. Théâtre du Vieux-Colombier 6e (01.44.39.87.00 - 01) jusqu’au 31 octobre 2003.


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