HITCH
Article
publié dans la Lettre n° 324
du
21 mars 2011
HITCH d’Alain Riou et Stéphane Boulan.
Mise en scène Sébastien Grall avec Joe Sheridan, Mathieu Bisson
et Patty Hannock.
Hitchcock est mort…!!! Il gît, répandu dans son fauteuil, une fleur
de sang à la tempe, une éclaboussure pourpre vers le cœur, un revolver
à la main. Au centre de la scène, François Truffaut, blême et bouleversé,
écoute une voix quasi céleste le mettre en accusation de ce crime
dont il s’évertue à nier la paternité. La voix de l’avocat le pousse,
pour sa défense, à se souvenir des circonstances de sa présence
dans les Studios Universal. Bredouillant, le jeune cinéaste évoque
son admiration pour le grand maître défunt, tout en farfouillant
fébrilement dans les fiches qui auraient dû se concrétiser dans
un livre désormais avorté. Survient Alma, l’épouse de « Hitchie»,
qui passe très vite de l’apparente émotion de la mort de son époux
à une virulente et persifleuse mise en accusation. Mais Hitch a
la résurrection facile, la mystification orchestrée par ce grand
manipulateur et sa diabolique compagne se met incoerciblement en
marche. Un thriller, dans sa plus élégante mouture, avec flashes
back et commentaires sur le dernier Hitchcock, The Birds,
arrosés de libations au bourgogne et autres boissons fortes. Quelques
petits cailloux semés instillent le doute dans l’esprit du spectateur,
la position modifiée du corps, le changement de main…mais on abonde
aussi dans les sentiments divers de Truffaut, émotion, colère, fureur,
puis l’irrésistible montée de la sympathie amusée et de la sincère
amitié pour ce génial faiseur.
La mise en scène nerveuse et joyeuse de Sébastien Grall favorise,
par lumières et plans décalés, ce huis clos trop souplement mené
pour devenir étouffant. Dans cette rayonnante complicité des époux,
Joe Sheridan et Patty Hannock font merveille, Alfred insidieusement
inquiétant, sous le dehors de ses blagues et de son amour des jolies
femmes, Alma sa traductrice et complice malicieuse, distillant cette
« perversité » qu’elle revendique comme essentielle aux femmes pour
faire grandir les hommes. Mathieu Bisson, en Truffaut vraiment convaincant
avec son langage maniéré et « intello branché » des « Cahiers du
Cinéma », finit par craquer en une sincère déclaration d’amitié.
Comment imaginer choix plus judicieux qu’une intrigue policière
pour cet hommage délicieusement ciselé à deux géants de l’écran
si proches ? Courez vite trembler, vous émouvoir et surtout beaucoup
rire en leur compagnie. Théâtre Le Lucernaire 6e. A.D.
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