HIBERNATUS
Article
publié dans la Lettre n° 378
du
9 février 2015
HIBERNATUS de Jean Bernard-Luc. Adaptation
Éric-Emmanuel Schmitt. Mise en scène Steve Suissa avec Raymond Acquaviva,
Anouchka Delon, Romain Emon, Nicolas Messica, Baya Rehaz.
Imaginez une famille recomposée. Elle, Edmée, jeune et très riche,
mène ses affaires avec Adrien, son jeune comptable, et remet les
soins de la maison dans les mains de Diane, une petite bonne pleine
de ressources. Lui, Hubert, narcissique à fond, assume sans problème
son statut de mari entretenu et passe ses journées à guetter dans
les miroirs les premiers signes avant coureurs disons… d’une certaine
maturité. Il a une fille d’un précédent mariage, ravissante Clémentine,
dont les seize ans s’accommodent fort bien de la compagnie d’une
belle-mère sympa et généreuse et des avances d’Adrien. Tout ce petit
monde prête une attention distraite et amusée au dernier scoop plutôt
surprenant, relaté par le journaliste d’une grande chaîne de télévision
publique : la découverte au Pôle Nord par une équipe de scientifiques
du corps d’un homme pris dans les glaces. Contre toute attente,
une fois décongelé avec délicatesse, l’homme des glaces est vivant.
L’ hiberné se réveille et recouvre suffisamment la mémoire pour
être identifié. Il s’agit de Paul, l’arrière-grand-père d’Edmée,
parti en expédition en 1912 et porté disparu. Cette nouvelle-là
jette un froid, si l’on peut dire, dans le salon moderne et cossu.
Surtout lorsque le professeur chargé du rétablissement de ce patient
pour le moins extraordinaire, demande une chose incroyable : recréer
le contexte dans lequel a vécu le jeune homme de cent vingt deux
ans afin de ne pas lui causer le choc de savoir qu’il a hiberné
durant cent ans. Recréer signifie « dégoudronner » la route d’accès
à la propriété, faire disparaître les automobiles et sortir les
calèches, placer tout autour du parc un escadron de policiers afin
d’écarter les journalistes, trouver si possible un calendrier et
des journaux de l’année 1914 et, bien sûr, changer toute la déco
de la maison. Edmée, émoustillée par cet Hibernatus qui lui
tombe dans les bras en l’appelant maman, décide de jouer le jeu,
change le mobilier et transforme la décoration dans le style belle
époque. Plus de télévision, plus d’ordinateur ni de portables, cela
va sans dire. Les voici vêtus de robes longues et d’habits. Inutile
d’épiloguer sur les bévues à éviter quand Paul dont la glace a préservé
les vingt-deux ans, rentre chez lui et « retrouve » les siens. Elles
sont inévitables et causent un nombre impressionnant de malentendus
et de quiproquos.
Cette comédie, créée en 1957, immortalisée par le film d’Edouard
Molinaro, est remise au goût du jour par Éric-Emmanuel Schmitt et
Steve Suissa, un tandem qui s’entend à merveille. Le résultat dépasse
les attentes. Les décors et les costumes font leur petit effet et
les comédiens participent pour beaucoup au succès de ce spectacle.
Galvanisés par la suite incessante de péripéties de toutes sortes,
ils se donnent à fond et ravissent un public visiblement enchanté
de sa soirée. Théâtre de la Michodière 2e.
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