HELOISE
Article
publié dans la Lettre n° 281
HÉLOÏSE de Patrick Cauvin. Mise en
scène Patrice Leconte avec Rufus, Mélanie Bernier, Bernard Alane,
Agathe Natanson, Isabelle Spade, Laurent Gendron.
Il peut pleuvoir, venter, neiger, « caniculer », peu importe, chez
Héloïse et Roméo, on y danse tous en rond, le cha-cha, la valse,
le tango, enfin toutes les danses de salon. Monsieur Roméo n’est
plus un jeune premier, c’est un homme d’une cinquantaine d’années,
au regard triste de bon toutou. Ses conseils sont pertinents et
il regarde d’un œil expert Serafina et Ramos qui s’entraînent pour
un concours. Lorsque Mona franchit la porte du cours de danse, ce
n’est pas la bise d’automne qui s’engouffre mais un vrai souffle
de printemps. Mona, timide et réservée, demande à Monsieur Roméo:
« Apprenez-moi à danser ». Elle est un peu perdue, il sombre lentement.
D’un mambo à une valse, Mona découvre les autres élèves. Il y a
le « professeur », Aristide Bénard, qui danse comme le bon Saint
Gui, Madame Delat qui apprend la valse pour le mariage de sa fille,
toujours remis, Serafina et Ramos qui s’entraînent malgré tout.
Héloïse reste l’arlésienne du cours. Où est-elle ? Qui est-elle ?
Pourquoi Roméo se laisse-t-il aller à une mélancolie qu’il noie
dans le whisky ? Mais sur les ailes de la danse, dans les froufrous
et les paillettes, les soucis quotidiens s’envolent.
Patrice Leconte rêvait d’une pièce ayant pour cadre un cours de
danse. Il confie ce projet à son complice Patrick Cauvin. Premier
pas sur la scène par l’auteur de tant de succès. Ce pas de deux
du metteur en scène et de l’auteur a le charme suranné des danses
de salon. Chez « Héloïse et Roméo », les danseurs s’inventent tous
une vie, une valse pour abolir le temps. Le décor de Ivan Maussion
met le spectateur dans l’ambiance. Le premier tableau est mené avec
brio et charme par Isabelle Spade et Bernard Alane. Ils sont épatants
en Serafina et Ramos. Ces deux comédiens sont des danseurs émérites.
Ils ont une classe folle. Agathe Natanson est une Madame Delat touchante
et fine, Laurent Gendron danse de façon fort peu académique et donne
à son personnage une humanité rassurante. Mélanie Bernier est une
révélation, tendre et menue, et la partenaire rêvée pour un pas
de deux. Notre Rufus national est Roméo. Un Roméo finalement assez
shakespearien, valser or not valser ! C’est un spectacle charmant,
délicieusement hors du temps, pimpant et pétillant comme du champagne.
On pense Mari de la coiffeuse à Amélie Poulain, à
des ambiances hautes en couleur où l’on croise des êtres proches
de nous. Ils ne sont pas des héros mais des silhouettes familières
qui prennent corps grâce à six comédiens qui donnent envie de danser.
Théâtre de l’Atelier 18e.
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