HAMLET
(UN SONGE)
Article
publié dans la Lettre n° 256
HAMLET (Un songe) d’après William
Shakespeare. Traduction Daniel Loayza. Adaptation et mise en scène
Georges Lavaudant avec Astrid Bas, Anna Chirescu ou Estelle Galarme
ou Axelle Girard, Ariel Garcia Valdès, Georges Lavaudant, Babacar
M’baye Fall, Joseph Menant, Philippe Morier-Genoud, Pascal Rénéric.
Le cher théâtre à colonnes est rendu au public après quatre ans
de travaux colossaux et indispensables. Georges Lavaudant, maître
des lieux pour cette réouverture, présente une nouvelle mise en
scène d’Hamlet. Hamlet, version Odéon 2006, est un
songe, un palimpseste de l’œuvre de Shakespeare. Cette version noue
les retrouvailles conjuguées d’un théâtre, d’une œuvre et d’une
équipe. En 2005, Georges Lavaudant avait présenté aux Ateliers
Berthier, un spectacle mythique la Rose et la hache,
d’après Richard III, revisité par Carmelo Bene, interprété
par un comédien d’exception Ariel Garcia Valdès. Hamlet (Un songe)
est dans la droite ligne de cette œuvre. Lavaudant connaît bien
les rouages de la pièce, de la vengeance du prince d’Elseneur, de
cette folie calculée qui essaime la mort. Hamlet est plus qu’un
rôle, un caractère coupé dans l’étoffe qui drape les personnages
universels et intemporels de ce fils qui venge son père royal.
Dans cette pièce, on parle de songe, de rêve, d’apparition, de théâtre
dans le théâtre. Une troupe de comédiens sert de prétexte pour dévoiler
le crime fratricide dans un jardin, avec du poison, l’arme des lâches.
Georges Lavaudant a basé son adaptation sur le postulat du songe,
de l’onirisme qui perce les brumes d’Elseneur. Hamlet dure près
de quatre heures dans la version originale, celle de l’Odéon
dure 1h20. Cette version iconoclaste est brillante et fulgurante
car tout est là ! On entend les classiques dans cette version bouleversée,
on écoute le texte, on le découvre.
Hamlet est interprété par Ariel Garcia Valdès. Il glisse dans l’espace,
attrape avec son habit noir le diamant des lumières, il a la grâce,
l’élégance. Il arrive à nous bluffer en disant le célébrissime monologue
« être ou ne pas être », il le transcende. Le reste de la distribution
est constituée par des habitués de la bande Lavaudant dont l’un
des piliers, le formidable Philippe Morier-Genoud, parfait et veule
en Polonius, gouailleur en fossoyeur. La mise en scène brasse avec
bonheur différentes disciplines, la chorégraphie de Jean-Claude
Gallota fait glisser les Ophélie, victimes innocentes. Les images
vidéo de François Gestin accentuent l’ambiance onirique de ce rêve
éveillé qui bascule en cauchemar. Les costumes de Jean-Pierre Vergier
sont magnifiques, du bustier d’Ophélie à la rigidité du roi usurpateur.
Les marionnettes sont de plus en plus présentes au théâtre. Celles
du roi et de Yoric ont ce regard étrange et pénétrant. Les comédiens
sont sonorisés. Cette facilité technique est ici un élément constitutif
de ce songe éveillé en créant une proximité étrange et envoûtante.
Hamlet (Un songe) est un exercice de style brillant, profond.
L’Odéon a retrouvé sa magie, grâce à ce spectacle étonnant.
Théâtre de l’Odéon 6e.
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