LA GRIFFE A 71

Article publié dans la Lettre n° 196

LA GRIFFE A 71 de Claude d’Anna et Laure Bonin. Mise en scène Annick Blancheteau avec Muriel Robin, Bernard Verley, Nadia Barentin, Aude Briant, Erwan Creignon.
Irène Colemen est comme nous tous. Elle pensait qu’une station service était un lieu de passage. Boire un mauvais café, échanger des points de fidélité pour un objet indispensable et payer son plein étaient une routine. Mais une grève des routiers en décide autrement. Elle est bloquée sur la A 71 avec sa famille. Tout se ligue contre elle. La célèbre styliste doit se défendre bec et ongles pour protéger son nom, sa griffe contre des financiers. Elle doit montrer les crocs contre sa mère acariâtre, cassante, contre sa soeur jalouse et frustrée et contre son amant qui ne veut plus être le prince consort. Et puis il y a sa fille de vingt ans, Judith, l’arlésienne de la A 71, qui vient de publier son premier roman, véritable déballage des secrets de famille. Irène, courageuse, fait face mais vacille contre les coups bas. Ce voyage au bout de la nuit sera douloureux.
L’histoire de ce spectacle est celui de coups de foudre successifs pour la pièce de Claude d’Anna et de Laure Bonin et pour Annick Blancheteau qui assure la mise en scène. Egalement actrice, à la palette tendre et comique, elle sait admirablement mettre en scène les émotions, les non-dits, les zones obscures. On sent son amour des comédiens qui offrent une distribution parfaite: Etonnante Anne Briant, en petite peste souffre-douleur, Bernard Verley, parfait géant aux pieds d’argile, Nadia Barentin, jubilatoire dans le rôle de la mère indigne et venimeuse, Erwan Creignou, très bien en petit pompiste, plongé malgré lui dans un conflit digne des Atrides. Mais la surprise vient de Muriel Robin, « la Robin» si rigolote, que tout le public vient voir avec avidité. Il découvre une grande comédienne, constamment en acte, en invention, sans effet de manches. Ce qui fascine chez elle, est sa capacité d’écoute et de jeu. Elle interprète une femme forte qui laisse affleurer ses faiblesses. Un beau portrait de femme, dans lequel elle déploie beaucoup de finesse. Théâtre Fontaine 9e (01.48.74.74.40).

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