LES GRELOTS DU FOU

Article publié dans la Lettre n° 237


LES GRELOTS DU FOU de Luigi Pirandello. Traduction Ginette Herry. Mise en scène Claude Stratz avec Alain Pralon, Dominique Constanza, Muriel Mayette, Jean-Pierre Michaël, Christian Cloarec, Michelle Gleizer, Dominique Marcas, Françoise Pinkwasser.
Beatrice est partagée entre la fureur et l’humiliation. Son mari la trompe, elle le sait ou croit le savoir. Ses soupçons se portent sur Nina, la femme de Ciampa, le garçon d’écriture de son mari. Nous sommes en Sicile en 1916, là où le mot convenance régit la société de cette petite bourgade à l’écart de la grande ville de Palerme, là où la femme doit se montrer discrète et soumise. Assunta, la mère de Beatrice en sait quelque chose. Maintes fois trompée, elle fut autrefois citée en exemple pour sa patience. Elle ne comprendra donc pas la réaction de sa fille qu’elle condamnera, tout comme son fils. Mais Beatrice n’est pas sa mère. Elle veut défendre son honneur. Tout en se servant de Ciampa, elle demande au commissaire Spanó de prendre les amants en flagrant délit et de dresser un procès verbal. Elle veut que la vérité éclate au grand jour, au mépris du scandale. Mais que sait-on de la vérité? Qui peut se vanter de la détenir? Peut-on la proférer en étant certain qu’elle soit vraie? Seul le fou peut la crier car on ne l’écoute pas. Beatrice l’apprendra à ses dépens. Car Ciampa raisonne autrement. S’il soupçonnait sa femme, il se verrait contraint de sauver son honneur. Accablé par cette perspective, il préfère ignorer la vérité. De manipulé, il devient manipulateur, faisant de l’accusatrice une accusée.
Malgré les réserves de ses contemporains, le théâtre de Luigi Pirandello est considéré comme l’entreprise la plus systématique de renouvellement de la dramaturgie moderne. Ecrite en 1916, en dialecte sicilien, traduite l’année suivante en italien, cette pièce est antérieure à Six personnages en quête d’auteur qui rendra Luigi Pirandello célèbre. Son thème possède des accents identiques à ceux d’une pièce plus connue du même auteur A chacun sa vérité. Quant à celui de la jalousie, les Grelots du fou prend une dimension prémonitoire, Pirandello se voyant obligé, trois ans plus tard, d’interner sa femme, pathologiquement jalouse, malgré l’affection qu’il lui porte.
Cette pièce généralement connue sous le titre le Bonnet du fou, a fait l’objet d’une nouvelle traduction de Ginette Henry qui, par un remarquable travail de recherche à partir du sicilien, parvient à rendre la langue la plus proche possible d’une réflexion sur un sujet particulièrement travaillé. Prenant le parti d’une mise en scène dynamique, Claude Stratz s’attache avec talent à mettre en relief la démarche de l’auteur à travers la personnalité des différents personnages, excellemment interprétés par les comédiens, Alain Pralon en tête, qui fait évoluer magnifiquement le personnage si complexe de Ciampa. Le décor de Jean-Marc Stehlé et les costumes de Maritza Gligo, dans un souci de réalisme et collant parfaitement à l’époque, en sont le parfait écrin. Théâtre du Vieux-Colombier 6e. Jusqu’au 26 février 2005.


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