LES GRANDES FILLES
Article
publié dans la Lettre n° 382
du
4 mai 2015
LES GRANDES FILLES de Stéphane Guérin.
Mise en scène Jean-Paul Muel avec Geneviève Fontanel, Judith Magre,
Claire Nadeau, Édith Scob.
Madame Khader, Madame Xenia, Madame Yvonne et Madame Zakko, les noms,
déjà, laissent supposer des origines diverses. Musulmane, juive, catholique
ou témoin de Jéhovah, ces confessions leur ont forgé des habitudes
de vie et des pensées très différentes, voire opposées. Et pourtant,
au gré des saisons, elles se reçoivent, discutent et se chamaillent
pour des riens. Mariée, veuve, célibataire, l’existence ne les a pas
beaucoup gâtées et elles arrivent au dernier tournant du chemin, solitaires,
chacune se retournant sur un passé chargé de souvenirs persistants,
plutôt tristes que joyeux, le plus souvent mêlés de larmes, de regrets,
et de rêves inaboutis.
En ce premier jour de janvier, Madame Zakko porte un bloc de foie
gras dans son éternel sac en papier de chez Fauchon, vestige illusoire
d’une aisance financière qu’elle n’a plus depuis le décès de son mari.
Elle convie ses amies à le partager mais, avant tout, une question
fuse de la bouche des intéressées : est-il bio, halal, casher ? Du
sud-ouest !, répond-elle sans se démonter, région où sa belle-fille
élève et gave des canards. La Saint-Valentin, le 1er avril ou la fête
des mères ne leur parlent pas de la même façon, mais la fête de la
musique ou celle des pompiers les émoustillent. Le 21 juin, elles
sortent fourchettes, cuillers en bois et autres ustensiles pour taper
en rythme sur les casseroles; le Philharmonique, ce sera pour une
prochaine vie ! Le 14 juillet, elles ne résistent pas à se joindre
au bal, Madame Zakko se damnerait pour un tango. Le 15 août et la
Toussaint les renvoient à des comparaisons et des réflexions plus
mystiques, septembre, c’est la rentrée des classes. Complices d’un
jour, elles se liguent contre les petits adversaires de tous poils.
Stéphane Guérin brosse un tableau délicieusement frais du quotidien
de ces grandes filles selon leur vécu. Pas de propos philosophiques
mais une vision simple d’une existence qu’elles ont menée au gré des
tempêtes et des accalmies, aujourd’hui réunies dans une solitude commune.
La distribution est un casting de rêve. Les quatre comédiennes
collent parfaitement aux rôles qui leur sont dévolus. Drôles, excentriques,
le verbe un peu vache, laissant parfois échapper une bêtise qui atteste
une certaine ignorance, elles émeuvent ou font rire, ressassant le
passé ou envisageant le peu d’avenir qui leur reste, mi résignées,
mi révoltées.
Quatre femmes qui se comportent le plus souvent comme des gamines,
faute d’avoir vu la vie passer. Théâtre Montparnasse 14e.
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