GEORGE DANDIN
Article
publié dans la Lettre n° 375
du
8 décembre 2014
GEORGE DANDIN de Molière. Mise en
scène Hervé Pierre avec Simon Eine, Catherine Sauval, Alain Lenglet,
Jérôme Pouly, Pierre Hancisse, Noam Morgensztern, Claire De la Rüe
Du Can, Pauline Méreuze.
Empêtré dans un mariage qu’il n’aurait pas dû contracter, George
Dandin tente sans succès de prouver la légèreté de sa femme Angélique
qui se laisse courtiser sous son nez par Clitandre, un jeune noble
de son rang. Dandin se mord les doigts d’avoir voulu « tâter » de
la noblesse, même ruinée, lui, un riche paysan. Il paie bien cher
le titre de « Monsieur de la Dandinière », seul avantage qu’il a
obtenu. Monsieur le vicomte de Sotenville et Madame lui montrent
ouvertement leur mépris et transforment la moindre plainte en bonne
raison, défendant chaque fois une fille qu’ils ont intérêt à tenir
au-delà de tout soupçon. Il est vrai que cette mésalliance les a
sauvés de la ruine. Et pourtant, l’inclination qu’Angélique éprouve
pour Clitandre, leurs rendez-vous secrets par l’entremise de Lubin,
le valet du jeune homme, et les manigances de Claudine, la servante
d’Angélique, pour organiser les rencontres, sont flagrants. Chaque
fois mystifié, chaque fois humilié, Dandin n’aura d’autre ressource
que de « se jeter à l’eau ».
Cette commande de Louis XIV à Molière et Lully à l’occasion du Grand
Divertissement royal était une comédie en prose qui tournait le
personnage principal en dérision, coupable d’aspirer à frayer avec
la noblesse. Représentée par la suite au Palais-Royal, elle ne reçut
pas le succès escompté car, dépourvue de son contexte d’amusement,
il ne restait que le caractère tragique de l’œuvre.
L’idée d’Hervé Pierre de transposer cette pièce du XVIIe, époque
où la noblesse, perdant de son pouvoir, devait composer avec la
bourgeoisie, dans la France de 1850, lui donne un tout autre éclairage.
Le décor marque concrètement la distance sociale qui sépare le couple.
Dandin sort du sous-sol par une trappe après son labeur quotidien
et gagne la chambre conjugale perchée tout en haut d’un escalier.
La mise en scène insiste sur les conséquences des plaintes, chaque
fois plus mortifiantes, infligées à Dandin mais aussi, et avec beaucoup
de subtilité, sur la situation d’Angélique que la prime jeunesse
pousse à tous les plaisirs de son âge, frustrée d’avoir été mariée
avant de les goûter. En fille obéissante, elle a accepté une union
arrangée par des parents aux abois, un marché qu’elle dénonce à
son mari, lui reprochant de ne pas lui avoir au moins demandé son
avis. Se laisser courtiser ne représente pas pour elle une si grande
faute et elle est soutenue par Claudine, servante mais, femme aussi,
qui ne se laisse pas prendre aux avances de Lubin. L’équilibre est
ainsi rendu, accusé par le sans-gêne et la morgue des parents, sous
le regard du vieux Colin, serviteur muet et témoin lucide de cet
antagonisme de classes. Théâtre du Vieux Colombier 6e. Pour
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