LA
FORET
Article
publié dans la Lettre n° 215
LA FORET d’Alexandre Ostrovski. Texte
français d’André Markowicz. Adapatation scénique et mise en scène
Piotr Fomenko avec Christine Fersen, Gérard Giroudon, Martine Chevallier,
Anne Kessler, Michel Robin, Christian Blanc, Denis Podalydès, Roger
Mollien, Laurent Stocker, Mathieu Genet, Michel Vuillermoz.
Un grand domaine sylvestre dans la Russie profonde et obscure. Gourmyjskaia,
la maîtresse des lieux, est une femme dure. La veuve veut user de
sa fortune à sa guise et même si elle saborde son domaine, elle
veut profiter de tout et surtout du charme du jeune étudiant Boulanov.
Comme dans tous les domaines, il y a les charités ordinaires et
les pique-assiette inévitables: de la jeune fille pauvre au neveu
comédien en passant par les voisins importuns. Comme l’arbre qui
cache la forêt, les protagonistes cachent une galerie de portraits
bien croqués.
Alexandre Ostrovski (1823-1886) est le grand réformateur du théâtre
russe traditionnel. Il fait entrer sur scène des personnages de
la rue et du peuple (le moujik Vosmibratov). Metteur en scène de
ses propres oeuvres, il impose des notions révolutionnaires telles
que la rigueur et les répétitions. Il a une vision totale et globale
et les titres de ses pièces ont des allures de maximes.
Bernard Sobel a fait découvrir l’oeuvre de ce Shakespeare russe
en 1966 avec Coeur Ardent. La Comédie Française a fait appel
à Piotr Fomenko. Ceux qui ont vu Loups et Brebis en gardent
un souvenir ébloui. La Forêt est une pièce foisonnante, loin
d’un théâtre cartésien qui doit prendre le parti d’un genre. Ici,
on bascule du rire aux larmes, de la comédie burlesque (avec les
deux comédiens) au drame social (la position d’une jeune fille pauvre),
on dérape d’une réplique dans un registre différent. Il faut avoir
l’âme slave, on chante, on pleure et on règle ses comptes. La pièce
originale qui dure plus de quatre heures est présentée dans une
version scénique raccourcie, réalisée par Fomenko et André Markowicz
au fil des répétitions avec les comédiens. C’est une éclatante réussite.
On palpite, on frémit devant cette oeuvre considérable. Sans Ostrovski,
aurions-nous Tchékov? Il y a en germe dans La Forêt, La
Cerisaie et La Mouette. Tchékov cite d’ailleurs la moustache
d’Ostrovski dans Oncle Vania. Le décor de Igor Ivanov, les souches
des arbres sacrifiés au plaisir de Gourmyjskaia, les frondaisons
luxuriantes qui descendent du ciel pour offrir des cachettes de
verdure, tout est un ravissement d’intelligence et de pertinence.
Fomenko est un grand directeur d’acteur, il travaille avec les Stradivarius
que sont les comédiens français. Martine Chevallier, extraordinaire
Gourmyjskaia, à la fois méchante et volage, trouve l’une de ses
meilleures compositions. Elle est sublime. Pour son entrée au Français,
Michel Vuillermoz, le neveu comédien, donne une réplique brillante
et sensible à son vieux compagnon Podalydès, toujours aussi drôle.
Le choix est injuste car la distribution est magnifique. Comédie
Française 1er. Lien: www.comedie-francaise.fr.
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