LES FEMMES SAVANTES

Article publié dans la Lettre n° 391
du 18 janvier 2016


LES FEMMES SAVANTES de Molière. Mise en scène Elisabeth Chailloux avec Anthony Audoux, Philippe Cherdel, Bénédicte Choisnet, Etienne Coquereau, Camille Grandville, Florent Guyot, Pauline Huruguen, François Lequesne, Catherine Morlot, Lison Pennec.
Ridicules et savantes, ou plutôt parce que savantes ? Faciles à abuser surtout, au-delà de leurs tentatives énergiques pour conquérir un pouvoir que leur déniait la société éminemment masculine de leur temps. Tel était le propos de Molière quand il s’acharnait en 1672 sur ces cibles féminines.
La force de la charge ne s’est pas vraiment amoindrie, simplement déplacée, dans la relecture qu’en fait Elisabeth Chailloux en transposant l’univers de ces « Femmes savantes » dans le contexte des années 1960.
Henriette se prend pour Sylvie Vartan, sa sœur Armande joue les intellectuelles binoclardes et boudeuses, Philaminte, leur mère, tape à la machine les grandes articulations de son combat libérateur. Quant à Bélise, la tante à l’esprit fêlé, sa tenue court-vêtue ne change rien à sa réjouissante nymphomanie.
Chrysale, pleutre matamore et sans envergure, est toujours aussi inféodé à l’autorité de sa femme, malgré les incitations de son frère Ariste à faire enfin preuve d’élémentaire dignité conjugale. Martine passe l’aspirateur en marmonnant contre la grammaire de ces pédantes.
A l’exception du notaire, qui a conservé ses atours du 17e siècle, tous adoptent une tenue vestimentaire et gestuelle contemporaine, sur fond de diverses chansons à la mode yéyé.
Au centre, Trissotin campe une perversité inquiétante et on mesure son cynisme et son avidité sans vergogne. Là où Molière faisait fond sur la farce, corroborée par la présence de Martine et de Vadius, cette mise en scène donne un relief accru au pouvoir des mots et à une pureté langagière revendiquée jusqu’à l’absurde.
Les corps se heurtent pour le désir comme pour la violence, les livres se jettent à la figure. L’espace largement ouvert laisse entrevoir, derrière des panneaux translucides, l’omniprésence des regards et des lieux d’intimité, jusqu’à s’élever vers les ciels de la lunette astronomique.
On se laisse aller à cette étrange impression d’un texte si connu, dont l’intemporalité est revisitée sans en altérer la force adaptable aux époques successives, tant les comportements et les combats qu’il évoquait il y a quelques siècles se sont différés sans s’amoindrir.
Le rire est doux-amer et l’intérêt jamais démenti jusqu’aux applaudissements mérités. A.D. TQI Ivry 94.

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