FANNY
Article
publié dans la Lettre n° 288
FANNY de Marcel Pagnol. Mise en scène
Irène Bonnaud avec Catherine Ferran, Andrzej Seweryn, Sylvia Bergé,
Jean-Baptiste Malartre, Pierre Vial, Serge Bagdassarian, Marie-Sophie
Ferdane, Stéphane Varupenne, Gilles David.
Marius a pris la mer pour aller au bout du monde. Il a quitté d’un
coup César, un père un peu trop possessif et Fanny, une jeune fille
dont la seule faute est de lui avoir cédé. A Marseille, sur le Vieux-Port,
les habitués du café de César parlent à mots couverts dans le dos
du patron. Exaspéré par leurs questions mais aussi leur sollicitude,
César s’emporte pour une peccadille. Chacun a son mot à dire sur
ce qui le tourmente. La désertion de Marius le met dans tous ses
états. Il guette tous les jours le facteur sans succès. Et il n’est
pas le seul. Fanny se morfond elle aussi. Eprise de Marius, elle
l’a laissé partir vers l’aventure qu’il souhaitait sans vouloir
le retenir. Elle n’a pensé qu’à lui, à son bonheur, sans songer
à elle-même. Le pire arrive. Fanny est enceinte. Une fille abandonnée
qui a fauté passe encore mais une fille mère fait
d’elle une fille perdue. Honoré Panisse, maître voilier de cinquante
ans, veuf et sans enfants, attend patiemment. Il a proposé à Fanny
de l’épouser, en a fait la demande à la mère. Fanny a tout d’abord
décliné l’offre mais sa grossesse change tout. Il lui offre une
vie aisée contre sa jeunesse, mais acceptera-t-il de l’épouser sachant
qu’elle porte l’enfant d’un autre ?
Nul besoin de l’accent du midi, l’œuvre de Marcel Pagnol va bien
au-delà du cadre restreint de la région et Irène Bonnaud le souligne
avec talent en restituant à travers la faconde, les coups de gueule,
l’humour et l’émotion, la gravité et l’universalité du malheur qui
frappe Fanny. Tout en gardant l’authenticité des lieux chers à Pagnol,
Irène Bonnaud a capté avec une formidable justesse le cœur de la
pièce, le drame d’une petite communauté ordinaire plongée dans le
désarroi et qui cherche l’issue la moins pire pour assurer l’avenir.
Authentiques mais universels le café dont le comptoir, fait de bric
et de broc, accueille le coude de tout un chacun, l’arrière boutique
de Panisse, l’humble logis d’Honorine et de Fanny d’où l’on imagine
les bruits du port, le cri des mouettes et les couchers de soleil
sur la mer, la demeure de Panisse, enfin, où le respect de la parole
donnée sonne le glas du bonheur de Fanny et des espoirs de Marius.
On s’exaspère de la rage de César, on compatit au drame de Fanny,
on tente de comprendre Panisse et son désir d’enfant. Les comédiens
sont tout simplement magnifiques. Gilles David, César grande gueule
au cœur tendre, Marie-Sophie Ferdane, délicieuse et émouvante Fanny
promise au sacrifice telle une héroïne de tragédie grecque, superbe
Catherine Ferra, Honorine partagée entre l’amour pour sa fille et
l’indignation de sa conduite, géniale Sylvia Bergé en tante Claudine
bête de réputation mais si pleine de bon sens, émouvant Andrzej
Seweryn, Panisse calculateur mais tellement avide de bonheur car
le temps presse… On ne peut les citer tous mais tous nous offrent
un formidable moment de bonheur. Théâtre du Vieux-Colombier 6e.
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