LES FÂCHEUX
Article
publié dans la Lettre n° 363
du
20 janvier 2014
LES FÂCHEUX. Comédie-ballet de Molière.
Mise en scène Jean-Denis Monory avec Malo de la Tullaye, Camille
Metzger, Jean-Denis Monory, Bastien Ossart (comédiens), Alex Sander
dos Santos, Gudrun Skamletz (danseurs), Manuel de Grange, Vojtech
Semerad, Jennifer Vera Martinez (musiciens).
Eraste courtise Orphise et rien ne s’opposerait à cette belle amour,
hormis un vieil oncle acariâtre, Damis. Le valet La Montagne est
facétieux, prévenant jusqu’à en être exaspérant. Les amoureux, après
s’être livrés au chassé-croisé de la jalousie feinte, seront sans
surprise réunis à la fin.
Rien là de bien original chez Molière, si ce n’est que, entre le
jeune marquis fringant et sa donzelle, se dressent nombre de fâcheux.
De l’artiste autoproclamé en mal d’oreille complaisante jusqu’au
pirate escroc, en passant par le joueur invétéré floué de sa victoire
supposée, les débatteurs ridicules sur le meilleur amant, le chasseur
privé de son cerf, les divers quémandeurs d’entremise auprès du
roi, et l’intempestif garde du corps, la kyrielle de ces importuns
déroule le spectacle d’une société de l’égoïsme et de l’âpreté,
que le trop gentil Eraste a fort à faire d’écarter. Incontestable
miroir des courtisans que Molière ne se fit pas faute de croquer
tout au long de son œuvre, la vérité intemporelle de ces empêcheurs
de respirer et d’aimer nous renvoie à tous les importuns qui polluent
la quiétude de nos quotidiens. La force comique de Molière est d’en
faire un ballet en musique et danses, sauts et gambades, duels et
duos, tissé de comedia dell’arte.
La troupe des Eclats Baroques, une fois de plus, excelle à mettre
en espace cette facétie admirablement connotée par le recours aux
postures, prononciations, éclairages et musiques d’époque. L’usage
des chandelles accentue, par la perspective arborée du décor, la
métaphore fluctuante de la fuite du temps de l’amour, pollué par
ce qui en encombre fâcheusement la sérénité légitime.
Le public est directement interpellé, voire mis à contribution rieuse,
par le choix, lié à cette époque de chandelles, d’un jeu exclusivement
frontal. Et il se livre sans résistance à la joie manifeste des
comédiens, danseurs et musiciens. Rigoureuse dans la souplesse bondissante
des chorégraphies, intelligente dans la lecture du texte et sa diction,
un régal en tout point. L’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes
12e. A.D.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Fermez
cette fenêtre ou mettez-la en réduction pour revenir
à « Spectacles Sélection »
|