FABRICE LUCHINI ET MOI
Article
publié dans la Lettre n° 369
du
26 mai 2014
FABRICE LUCHINI ET MOI. Seul en scène
écrit, mis en scène et interprété par Olivier Sauton.
Avoir vingt ans, rêver de devenir comédien et rencontrer fortuitement
son idole dans une rue de Paris à trois heures du matin, cela tient
du miracle ou du destin.
Eh bien, Paris avait des airs de miracle ce soir-là lorsque
les pas d’Olivier Sauton croisèrent ceux de Fabrice Luchini au détour
d’une rue. Le célèbre comédien fut assez aimable pour prendre le
temps de répondre à sa sollicitation en lui récitant une fable de
Jean de la Fontaine. Cette première rencontre aurait pu être suivie
par d’autres mais comme elles n’eurent pas lieu, Olivier Sauton
se mit alors à les inventer ou, pour reprendre ses propres termes,
à les fantasmer. Du fantasme à la réalité, il n’y a qu’un pas qu’il
franchit aujourd’hui sur la scène. En trois leçons, il imagine ce
qu’auraient pu être ces Masterclass avec son idole.
L’ Ivresse de Charles Baudelaire pour commencer. Les premiers
pas de l’élève ne sont guère prometteurs. Dans le jardin du Luxembourg
où il lui a donné rendez-vous, Fabrice Luchini mesure le chemin
à parcourir, les passants, eux, sont en joie !
Sidéré par la façon dont son modèle a lui-même récité le poème,
l’apprenti comédien meurt d’envie de poursuivre l’aventure. Luchini
accepte une deuxième rencontre, à son domicile cette fois, mais
avec une condition beaucoup plus ardue que dire un poème de Baudelaire
: lire, relire et re-relire les 343 fables de la Fontaine et en
mémoriser une. L’élève joue le jeu mais ne cache pas son ennui à
son mentor. Étonnement, incompréhension, voire ire du maître, qui
lui brosse en deux temps trois mouvements un tableau du bonheur
de lire puis, en un tour de main et deux mimiques, lui explique
comment aborder La Cigale et la fourmi. Cette seconde leçon
est le déclic pour Olivier, jusque-là plus enclin à parcourir L’Équipe
qu’à se plonger dans des livres, plus disposé à culbuter les filles
dans un canapé qu’à s’y enfoncer avec un roman! Lentement, durant
six mois, la métamorphose se fait, insensiblement, ce qui l’amène
à solliciter une troisième leçon, cette fois-ci dans le cadre d’un
théâtre en compagnie de Molière, d’Alceste et de Philinte... Et
là, c’est le bonheur !
Le parcours scolaire emprunté par les deux artistes et leur formation
par Jean-Laurent Cochet ne pouvaient que rapprocher l’admirateur
de l’admiré. L’inné prend alors le pas sur l’acquis. Le talent d’Olivier
est bien là, tapi au fond de lui-même et ne demande qu’à naître.
Outre celui, indéniable, d’imitateur, outre son sens de la scène
et de la formule, sa pensée livrée sur les classiques et la littérature
en général, sa vision du monde et de la culture montrent une intelligence
aiguë et le fruit d’une réflexion subtile. Caustique, critique ou
ironique, Olivier Sauton explique avec enthousiasme ce que représente
pour un esprit en jachère, ce moment merveilleux de voir semer puis
éclore cette passion subite et dévorante pour les mots, les phrases,
les écrits, ferments d’une culture qui germe, croît puis s’épanouit
avec une soif à jamais insatiable.
Ce bref instant passé autrefois avec Fabrice Luchini, Olivier Sauton
le transmet à son tour au public avec l’échange qu’il lui offre
à l’issue du spectacle. Cette proximité inattendue révèle l’importance
qu’a eue pour lui la rencontre d’autrefois. Mais elle permet aussi
à celui qui, comme Olivier Sauton, rêve de monter sur les planches,
de voir tout à coup l’opportunité de matérialiser ce rêve en suivant,
pourquoi pas, les cours de théâtre qu’il dispense.
Pour être passionnant, il faut passionner. Olivier Sauton
répond assurément à cette règle. Théâtre de l’Archipel 10e.
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