ETAT CRITIQUE

Article publié dans la Lettre n° 207


ETAT CRITIQUE de Michel Lengliney. Mise en scène Eric Civanyan avec Gérard Jugnot, Annik Alane, Hélène Seuzaret, Lorella Cravotta, Emilie Alibert, Julie de Bona.
Il est malingre, laid et guère allant, il le sait. Critique brillant et craint, il est un bien piètre poète, il en est conscient. Il se nomme Charles-Augustin Sainte Beuve. Susceptible et dépressif, il habite encore chez sa mère. Face à lui, se dessine l’ombre d’un homme imposant, adulé par les foules et qui écrit des chefs-d’oeuvre comme il respire: Victor Hugo. Son admiration pour l’homme et son oeuvre est sans bornes mais il ne peut toutefois étouffer une certaine jalousie pour ce talent insolent. Cependant, si Sainte Beuve hante quotidiennement la demeure de son ami, ce n’est pas uniquement pour ce dernier mais aussi et surtout pour sa femme, Adèle, objet inaccessible d’une passion qu’il nourrit pour elle depuis qu’il l’a rencontrée. Il ne possède pas le génie du maître mais peut-être peut-il lui voler une parcelle de ce qui lui appartient, un petit bout du coeur de son épouse. Armé d’une infinie patience, il va donc faire le siège de cette forteresse que représente la fidèle Adèle, elle-même chaque jour harcelée par les assauts physiques d’un mari aux désirs charnels sans cesse insatisfaits et qu’elle ne peut plus supporter. Entêté, Sainte Beuve, en proie à des sentiments contradictoires, va se retrouver dans un état critique.
Entré par la petite porte dans l’univers feutré des Hugo et de Sainte Beuve, Michel Lengliney a imaginé quelques semaines de leur vie. Son texte coule, brillant, parsemé d’humour et de bons mots qui jaillissent au détour des répliques d’un dialogue savoureux. Bien encadré par une mise en scène dynamique, agrémentée des décors et des costumes tout à fait dans le ton, chaque comédien s’approprie son personnage avec conviction, que ce soit Lorella Cravotta et Emilie Alibert dans les rôles des domestiques ou Julie de Bona dans celui de Juliette Drouet. La palme revient toutefois à Annik Alane qui campe une mère étourdissante et à Gérard Jugnot qui se sert des faiblesses de son personnage pour exprimer toutes les finesses de son indéniable talent. Théâtre Fontaine 9e (01.48.74.74.40).


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