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            ET JAMAIS NOUS NE SERONS SÉPARÉS
             
            Article 
              publié dans la Lettre n° 357 
              du 
              23 septembre 2013 
             
            ET JAMAIS NOUS NE SERONS SÉPARÉS de 
              Jon Fosse. Texte français Camilla Bouchet et Marc Paquien. Mise 
              en scène Marc Paquien avec Ludmila Mikaël, Patrice Catalifo, Agathe 
              Dronne.  
              Une cascade de rires cristallins précède le soliloque d’une femme 
              seule, assise sur son canapé. Elle va du rire au bord des larmes, 
              suivant le rythme de ses pensées. Elle est seule et attend l’être 
              aimé parti depuis longtemps. « Tout n’est que moi et sans les autres 
              je ne suis rien ». Elle dodeline entre colère et raison, entre l’espoir 
              de le revoir et le désespoir de l’avoir perdu. Elle cherche le moyen 
              de combler son absence, la force de continuer de vivre sans lui 
              et se rassure sur ses ressources: « Je suis vraiment intelligente 
              », « je suis forte et pas seule », « je suis grande et forte et 
              superbe », « et je me débrouille très bien toute seule », méthode 
              Coué parasitée par le doute, la nostalgie attisée par les souvenirs 
              qui lui reviennent en mémoire. Elle met alors la table pour deux, 
              installe le service ancien, les verres en cristal et pose la bouteille 
              de vin dont il était si friand, autant d’objets du quotidien sur 
              lesquels elle peut prendre appui. Mais en dépit de leur présence, 
              reflets et témoins d’un monde concret, l’autre présence, celle de 
              celui dont elle a partagé un moment de sa vie, celui dans lequel 
              elle s’est fondue, cette présence-là, elle ne peut l’appréhender 
              tout à fait.  
              La superbe traduction et la mise en scène intimiste de Marc Paquien 
              permettent de se plonger dans la réflexion de Jon Fosse sur le poids 
              de l’absence et la solitude qui s’en suit. Cette première pièce 
              possède déjà tous les ingrédients d’une réflexion différente sur 
              l’absence et ses conséquences décrites dans Le fils (Lettre 
              340). Ludmila Mikaël est la comédienne idéale pour donner corps 
              et âme à cette femme brisée par la douleur du départ de l’être aimé, 
              l’impuissance à combler le vide malgré les tentatives d’acceptation. 
              Les apparitions de Patrick Catalifo et d’Agathe Dronne ponctuent 
              subtilement son cheminement. Les amateurs du théâtre de Jon Fosse 
              se laisseront de nouveau emportés par la simple beauté d’un texte 
              minimaliste où, derrière les phrases banales, tout est suggéré. 
              Ils suivront simplement les pensées de l’héroïne, tout en s’imaginant 
              respirer les effluves du vin qu’elle finit par servir et boire. 
              On se sépare d’un verre cassé, « tout se casse », mais jamais de 
              l’être aimé qui persiste à vivre en soi. Théâtre de l’Œuvre 9e. 
             
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