ESTHER

Article publié dans la Lettre n° 215


ESTHER de Jean Racine. Musique originale de Jean-Baptiste Moreau. Mise en scène et direction musicale Alain Zaepffel avec Claude Mathieu, Isabelle Gardien, Sylvia Bergé, Françoise Gillard, Emmanuelle Wion, Madeleine Marion, Caroline Piette, Léonie Simaga, la Maîtrise de Radio France, et l’Ensemble Gradiva.
Au XVIIe siècle, la tradition était de représenter des tragédies édifiantes dans les maisons religieuses à l’époque du carnaval. Madame de Maintenon, fondatrice de Saint-Cyr, ne déroge pas à cette coutume lorsqu’elle prie Jean Racine de créer une oeuvre où il fallait aux demoiselles de Saint-Cyr « un poème moral dont l’amour fût entièrement banni ». Il respecte la tragédie antique, liant le choeur et le chant avec l’action, tout en intégrant des emprunts aux textes sacrés.
Ainsi naquit Esther. L’argument est simple et se déroule en vers sur trois actes. Déportée dans l’empire perse, orpheline mais protégée par Mardochée, « frère de son père », Esther cache sa race et son pays. Remarquée pour sa grande beauté par le Roi Assuérus, celui-ci la ceint du diadème de reine, ignorant tout de ses origines. Mais l’impie Aman, a décidé de faire périr le monde des hébreux. Craignant pour son peuple et pour Mardochée, Esther brave la crainte des conséquences et décide d’avouer au roi son appartenance juive afin de contrecarrer les noirs desseins d’Aman. « Qui d’Aman ou d’Esther le doit emporter »?
Jouée pour la première fois à Saint-Cyr en 1689, par les jeunes pupilles de Madame de Maintenon, la tragédie remporta un immense succès. Si elle avait un but pédagogique, celui-ci était aussi religieux et mondain. Chacun y cherchait des allusions à Madame de Maintenon, devenue l’une des femmes les plus influentes du royaume et à Madame de Montespan, dont l’astre déclinait, ainsi qu’à la persécution des jansénistes. Racine, de son propre témoignage, avait exécuté ce qui avait été demandé: « une espèce de poème où le chant fût mêlé avec le récit, le tout lié par une action qui rendit la chose plus vive et moins capable d’ennuyer ».
Alain Zaepffel, dans une mise en scène très sobre et une direction musicale rigoureuse, reprend ces intentions à la lettre. Il fait revivre de très belle façon l’événement créé à Saint-Cyr, en faisant tenir tous les rôles par des femmes. Le talent des comédiennes du Français, accompagné par celui indéniable de la Maîtrise de Radio France et de l’Ensemble instrumental de Gradiva offrent un spectacle rare en tout point remarquable qui ne sera malheureusement l’objet que d’une quinzaine de représentations. Comédie Française 1er. Lien: www.comedie-francaise.fr.


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