ESPACE VITAL
(Lebensraum)
Article
publié dans la Lettre n° 388
du
16 novembre 2015
ESPACE VITAL (Lebensraum) d’Israël Horovitz. Adaptation et mise en scène Cie Hercub’ avec Michel Burstin, Bruno Rochette, Sylvie Rolland.
Parce que, dans son sommeil agité, il a entrevu une utopie saisissante, le Chancelier allemand Stroiber va mettre en émoi la planète. Sans prendre le temps d’un recul nécessaire, il décide, par médias internationaux interposés, de solder la culpabilité jamais éteinte des anciens bourreaux à l’égard de leurs victimes. Aux six millions de Juifs chassés ou exterminés par la barbarie nazie, il entend répondre par le retour dans la mère-patrie offert à six millions d’immigrants juifs. Accueil chaleureux, popularité médiatique, méfiance instinctive, virulence des meetings, violence terroriste, les réactions sont aussi vives que contrastées.
Les comportements divers s’ancrent dans le terreau de sociétés internationales gangrenées par le chômage et les préjugés tenaces, par la mémoire atavique des survivants. Les «citoyens Stroiber» auraient-il une chance de secouer enfin positivement les consciences ? Rien n’est moins certain, hélas.
Trois acteurs animent cette fresque tourbillonnante et haute en couleurs, où virevoltent les figures du citoyen ordinaire, revanchard et encrassé dans son antisémitisme, du syndicaliste violent et du vengeur vigilant, du naïf récupéré par le cynisme patronal. Les Roméo et Juliette contemporains apportent à la fois leur fraîcheur adolescente et le drame éternel qui les menace. Le couple des joyeux drilles italiens allège une animosité en filigrane. Le vieux survivant, attendrissant et désopilant dans son yiddish en volapük, brosse le tableau d’une mémoire douloureuse qui ne trouvera son apaisement que dans la disparition des derniers témoins.
Fiction ? Utopie ? Le questionnement sur la mauvaise conscience, l’accueil et la sollicitude en actes, est plus que jamais d’actualité, à l’heure des grandes migrations qui teintent la géographie européenne.
La mise en scène est constamment vivace, les caissons se font objets du quotidien, supports médiatiques, tribunes improvisées. Les acteurs alternent, joyeusement ou dramatiquement, les oripeaux de leurs nombreux rôles successifs, en les scandant d’accents aussi variés que la diversité internationale qu’ils incarnent.
Voilà un spectacle d’autant plus nécessaire qu’il remet en ludique et non moins urgente perspective les crispations antisémites de toujours, la difficulté croissante des cohabitations, les aveuglements volontaires et les atermoiements pernicieux. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.
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